Un voyage, mais quel voyage ? Pour moi, Emile Zola que j’admire, c’est le retentissant "j’accuse" dans l’affaire Dreyfus et surtout d’immenses fresques romanesques : La Comédie humaine et les Rougon-Macquart. Dans l’Abidjan de mon enfance j’avais dévoré beaucoup de ses livres : Eugénie Grandet, Le Père Goriot, L’assommoir, La bête humaine,… à l’époque pour moi, ces peintures de mœurs étranges et étonnantes m’avaient donné envie de partir découvrir la France. Récemment lors d’un voyage dans le nord de la France je me suis replongée dans Germinal. Et en consultant à cette occasion la bibliographie de Zola, le titre d’un de ses ouvrages a accroché mon attention : "Voyage circulaire".
Le problème est que ce titre était introuvable dans des éditions récentes. J’ai quand même réussi à m’en procurer un exemplaire jauni… de 1929, chez un ancien éditeur, les éditions Fasquelle, (aujourd’hui Grasset). Doit-on parler d’un ouvrage ? "Voyage circulaire" est noyé dans un ensemble de 8 nouvelles, réunies sous le titre général de "Madame Sourdis" et c’est la plus petite de ces nouvelles. Elle tient en à peine 10 pages !
Pourtant cette micro nouvelle reste d’une étonnante actualité pour les voyageurs ! De plus, elle est servie par une écriture alerte et drôle. "Voyage circulaire" décrit deux sortes de voyages, les voyages organisés, encadrés et contraints d’un côté et les voyages de liberté de l’autre. L’histoire est celle d’un jeune couple qui part en voyage de noce pour faire un tour de Normandie en train (au XIXème c'était un aussi grand voyage que de partir aujourd'hui en Thaïlande !). Très vite les visites lassent les jeunes mariés en attente d'une véritable aventure.
"Ils s’arrêtent dans chaque ville importante marquée sur l’itinéraire", raconte Zola. "Ils visitent Honfleur, Pont-l’Evêque, Caen, Bayeux, Cherbourg, la tête pleine d’une débandade de rues et de monuments, confondant les églises, hébétés par cette succession rapide d’horizons qui ne les intéressent pas du tout". Certains voyageurs d’aujourd’hui reconnaîtront peut-être dans cette description certains de leurs voyages !
Les tourtereaux trouveront-ils leur bonheur dans l’itinéraire prévu dans le guide dont ils s’étaient rendus esclaves? Ils descendent du train dans "un trou adorable de verdure", inconnu, où il n’y a aucun voyageur et où "seules les poules les regardent d’un air curieux". "Enfin, c’est fini, ils sont libres !" s’écrie Zola. Mais cette liberté répondra-t-elle à leurs attentes?
Cette gentille aventure du XIXème siècle demeure vraiment d’actualité parce qu’elle pose les vraies questions de fond que tous les voyageurs devraient se poser avant de partir : Quelle est la finalité du voyage que je veux faire ? Pourquoi voyager ? De la réponse, avant toute préparation pratique, dépend l’organisation et la réussite de ce voyage.
Editions Eugène Fasquelle, Bibliothèque Charpentier, 1929