Il existe de nombreuses manières d’organiser un voyage. Les intervenants sont multiples, les arnaques et les illusions partout et il n’y a pas de solution idéale. Du moins faut-il trouver la solution qui corresponde le mieux à son état d’esprit, à son désir de liberté, à ses attentes, à son budget, en essayant de border les risques. Entre "pas d’argent du tout" et "beaucoup d’argent", la liberté n’est pas toujours là où l’on croit qu’elle se trouve. Voici douze manières de préparer un voyage que j’ai identifiées sans compter tous les panachages que l’on peut imaginer entre ces formules.
1- Ne rien (ou presque rien) dépenser.
Voyager sans dépenser le moindre centime, c’est possible. Il suffit d’utiliser ses jambes (à pied ou en vélo), de faire du stop, se faire inviter, jouer les pique-assiette ou se faire offrir des prestations, mendier ses repas et son hébergement et ne pas avoir peur de dormir dehors (j’ai souvent dormi sur des plages quand j’étais jeune voyageur). L’émission "Nus et culottés" de France 5 montre que ça fonctionne (du moins pour un certain temps et à partir de la ville de départ où les présentateurs ont été déposés jusqu’à celle où ils ont été repris). C’est fun quand on est entouré d’une équipe de télévision, ça ne l’est pas toujours quand on est seul ! C’est le rêve de la liberté totale. Le risque est une situation qui se dégrade loin de chez soi et qui dérive en quasi situation de SDF. Les consulats de France dans les pays lointains sont régulièrement sollicités pour rapatrier des français en situation difficile.
2- Voyager en dépensant le moins possible
C’est un compromis entre un absolu de liberté et la réalité économique du monde. L’idée est de faire de l’auto-stop ou du bateau-stop (l’avion-stop est plus difficile !) à chaque fois que c’est possible, se faire héberger gratis à chaque fois que l’opportunité se présente, en profitant des amis et de la famille vivant à l’étranger. C’est un peu le modèle de l’émission "J’irai dormir chez vous" dans laquelle l’animateur n’hésite pas à passer une nuit à l’hôtel quand il fait chou blanc. A défaut de transport gratis, il faut aussi un budget minimum pour utiliser les transports locaux les moins chers tels que les bus, les taxis collectifs, les convois de camions, les bateaux,… C’est le profil classique du routard globe-trotter qui a tout son temps pour voyager, qui improvise en permanence et qui est prêt à affronter des situations difficiles. Dans ma vie d’étudiant, j’ai fait de longs voyages avec un petit budget de cette façon. Par exemple en partant de France via l’Espagne, le Maroc, puis les Canaries, j’ai visité Sénégal, Gambie et Guinée Bissau en mélangeant auto-stop, camion, bateau, avion, et "cars rapides", les moyens de transports populaires de base en Afrique. Ou bien au Proche-Orient j’ai parcouru Liban, Syrie, Jordanie, Chypre et Israël. Ce sont ceux de mes voyages dont j’ai gardé les souvenirs les plus émouvants, même si ma liberté avait toujours un prix et supposait de rudes concessions.
3- Organiser son voyage en fonction des prix. Les prix créent l’opportunité. Le prix cassé d’un billet d’avion détermine la destination où l’on part, puis on voit sur place au fil des étapes où dénicher l’hôtel, le transport, l’excursion, pas chers du tout. Comme pour l’étape 2, il faut disposer de temps et être prêt à passer du temps pour trouver puis négocier partout, par exemple le prix d’un taxi à l’aéroport ou d’une chambre de youth hostel (auberge de jeunesse), ou encore à passer une partie de sa journée pour chercher un endroit où dormir. Et il faut savoir adapter son itinéraire en permanence en fonction des prix, en passant à côté de choses que notre budget ne permet pas de voir. On comprend alors que la liberté est contrainte par le portefeuille.
4- Voyager en fonction de revenus procurés par du travail trouvé sur place. C’est une pratique de plus en plus courante dans la génération actuelle des 20-35 ans. Les enfants d’amis proches sont partis de cette façon au Canada, en Australie ou en Nouvelle Zélande… avec plus ou moins de bonheur, des hauts et des bas et quelques désillusions. C’est le principe d’étapes de travail permettant de financer des étapes de voyages. Par exemple 6 mois de travail en Australie permettent de financer 3 ou 6 mois en Asie de sud-est, où 6 mois de travail permettent de financer à nouveau 3 ou 6 mois en Chine et en Russie, et ainsi de suite…. C’est une forme de nomadisme en pointillé qui n’est pas forcément aussi simple qu’on l’imagine. Si dans certains pays on trouve facilement du travail correctement payé, dans d’autres l’emploi ne s’ouvre pas ou peu aux français ou est très mal payé. Cette formule rejoint un peu celle des bloggeurs qui emportent leur travail dans leur ordinateur, produisent des récits en route et bénéficient de quelques retombées financières en affichant tous une grande liberté de vie… à condition de rester rivés sur les réseaux sociaux. Certaines de ces expériences sont de beaux succès, mais toutes ne sont pas forcément garanties à vie. Comme dans la première situation, le risque est de finir rapatrié par un consulat de France. Même lorsqu’elles se terminent bien, une des difficultés reste la réinsertion professionnelle en fin de parcours. Il faut convaincre les employeurs des côtés positifs de cette aventure.
5- Voyager en utilisant son propre mode de transport.
C’est tracer sa route avec sa voiture, sa moto, son bateau, son camping-car (acheté ou loué),…. Cette forme de voyage procure une grande liberté puisque l’itinéraire envisagé peut être aménagé en permanence. Mais il faut le budget nécessaire pour le carburant du véhicule ou du bateau, les réparations, pour les repas et pour les hébergements (en voiture et à moto) et de longues routes ou trajets ne sont pas forcément de tout repos. J’ai moi-même testé des heures exténuantes à conduire sur des pistes en Afrique ou en Amérique Latine. Lisez le récit de cette personne qui préfère faire Toulouse-Abidjan en voiture plutôt qu’en avion. Elle rentabilise son budget en revendant sa voiture à destination, en reconnaissant que sans cette revente le voyage lui coûterait bien plus cher qu’un simple billet d’avion.
6- Acheter son voyage dans une agence de voyage physique traditionnelle en France.
Ces agences de voyage avec boutiques distribuent des voyages fabriqués par des tour-opérateurs (TO). Elles peuvent être totalement indépendantes, regroupées en réseaux volontaires du type Selectour-Afat, Tourcom ou Manor, appartenir à un grand groupe de distribution du type Carrefour ou Leclerc ou encore appartenir à un groupe de tourisme comme TUI, Thomas Cook ou Voyageurs du Monde. L’avantage théorique d’une agence de voyages, c’est sa connaissance des produits disponibles sur le marché, sa capacité de négociation à l’achat, sa capacité à présenter des produits concurrents (au moins pour les agences indépendantes ou celles qui sont en réseaux volontaires), à apporter des conseils, à garantir les voyages (elles cotisent pour cela à une caisse de garantie) … Elles peuvent donc théoriquement aider à trouver le produit qui correspond exactement à ses attentes et à son budget. Mais il faut savoir que ces réseaux d’agences fonctionnent avec des TO « référencés » qui leur laissent des commissions plus importantes que les autres. Un autre problème actuel de ces agences est l’inflation d’offres concurrentes, alléchantes et agressives en termes de prix qui prolifèrent sur le net.
7- Acheter son voyage auprès d’une agence de voyage en ligne
Ces agences du type Expedia, Promovacances, Lastminute, Voyages-SNCF.com, Directours, … font un travail de distribution équivalent aux agences de la catégorie précédente en revendant soit des tour-opérateurs classiques (en « marque blanche », c’est-à-dire sans que ces TO soient visibles) soit leurs propres produits. Par leur taille et leur puissance d’achat, elles obtiennent des prix d’appels attrayants. Mais les prix les plus attrayants ne correspondent pas forcément aux attentes et aux aspirations de tous les voyageurs (elles sont très fortes sur des forfaits de séjours balnéaires dans des destinations de masse, beaucoup moins sur le long courrier). La dimension conseil de ces agences reste très impersonnelle et anonyme.
8- Acheter un forfait directement auprès d’un tour opérateur français
Un tour-opérateur (TO), appelé aussi "voyagiste", assemble et compose lui-même un produit de voyage (transport en avion, en train ou en autocar + hébergements + excursions ou circuit + transferts des gares ou aéroports à l’hôtel + guide ou accompagnateur + entrées de musées,…). C’est ce qu’on appelle un « forfait ». Il en propose un prix global, en formule soit tout compris, soit pension complète, soit demi-pension ou voire en hébergement seul. Les principaux TO en France sont Marmara-Nouvelles Frontières, Vacances Transat, Kuoni France, Fram, Asia, … Lorsqu’un TO vend un « forfait », le produit est ficelé et ne peut pas être décomposé. Le TO revend ses forfaits via des agences traditionnelles ou en ligne (ci-dessus) et parfois il revend lui-même directement via son site Internet et (ou) sa plate-forme téléphonique. Les prix de ses forfaits sont négociés au plus serré car le TO prend le risque d’acheter à l’avance des sièges d’avions et des nuitées d’hôtels sur des périodes données, ce qui est parfois appelé d’une expression qui ne fait pas rêver, le « tourisme industriel ». Cette dimension « tourisme industriel » est moins marquée vers les destinations lointaines moins fréquentées. Sur des destinations de masse en Méditerranée où le TO affrète des « chaines charters » (rotations d’avions complets) pendant toute une saison et des hôtels entiers, ses prix sont très bas, comme en Tunisie. Mais avant d’acheter, il faut bien regarder de quoi est composé le forfait. Autant un forfait en demi-pension dans un hôtel à Djerba, vous laisse une relative liberté pour circuler dans les environs (à condition d’acheter des transports ou des excursions en plus), autant un circuit tout compris empaqueté de A à Z ne laisse aucune marge de manœuvre. Dans un forfait tout inclus, vous n’avez rien à penser, mais au détriment de votre liberté, ce qui est agréable si vous avez trouvé le produit qui vous correspond exactement, mais qui devient pénible si vous vous êtes trompé sur le produit acheté.
9- Acheter en sur mesure auprès d’un tour opérateur français
C’est la même démarche que dans la catégorie précédente à la différence que le TO compose pour vous perso des produits sur mesure. Certains TO, comme le groupe Voyageurs du Monde, se sont spécialisés dans ce créneau, d’autres comme Kuoni France, Jet Tours ou Asia, proposent ou bien du forfait, ou bien du sur-mesure. Dans le sur-mesure, vous expliquez au vendeur du TO l’itinéraire dont vous rêvez aux dates que vous voulez et il va chercher le billet d’avion auprès d’une compagnie avec qui il a négocié, des nuitées auprès d’hôtels avec qui il travaille, vous loue une voiture, organise sur place vos excursions (en voiture privée chauffeur et guide si vous le souhaitez) en travaillant avec des agences de voyages du pays de destination appelées « réceptifs » ou DMC (Destination management companies). Des prestations sur mesure de cette nature sont évidemment plus chères que des forfaits tous ficelé. Mais lorsqu’un TO est spécialisé sur une destination, il apporte du conseil, travaille avec un réceptif éprouvé, a testé et sélectionné ses hôtels avec qui il a négocié des prix, apporte une garantie,… On se rend vite compte que la réalisation de ses rêves est liée à son budget.
10- Acheter son voyage auprès d’une plate-forme de réceptifs.
Ces plates-formes, qui sont des nouvelles formes d’intermédiaires se sont multipliées ces dernières années, du type Evaneos, Tripyourtravel , Doyourtravel,... Elles vous mettent en relation directe dans les pays de destination avec les agences réceptives (DMC) qu’elles ont sélectionnées et avec qui elles ont négocié. Par exemple si vous voulez aller en Indonésie, elles vous mettent en relation avec une agence de ce pays à qui vous formulez votre demande et vos envies et qui vous propose en retour une prestation sur-mesure et un prix (hors transport aérien jusqu’à destination qui reste à votre charge). Vous effectuez votre paiement auprès de la plate-forme qui joue un rôle de garantie et se rémunère sur le réceptif. Théoriquement, le prix facturé devrait être inférieur au forfait ou au sur-mesure d’un tour-opérateur français. Dans la réalité, il faut vraiment examiner au cas par cas. Là aussi tout est question de vigilance et de comparaisons, le prix peut être bon marché ou très cher, selon les pays. Je l’ai testé sur certains pays d’Asie et les prix qui m’ont été proposés m’ont semblés dissuasifs.
11- Acheter son voyage directement auprès d’un réceptif dans le pays où on veut aller, sans passer par une plate-forme. Dans tous les pays où vous projetez d’aller, il existe des agences de voyages locales qui peuvent organiser plus ou moins complètement votre voyage et votre séjour sur place, en vous laissant la charge de votre billet d’avion jusqu’à destination. Ces agences ont la plupart du temps des sites Internet en anglais (en français dans certains pays) et parfois des représentations à Paris (pour certains pays d’Asie du Sud-Est par exemple). Leurs prix (attention aux taux de changes au moment du paiement en devise locale !) offrent parfois des différentiels de prix très avantageux. Mais la compréhension de vos souhaits à l’autre bout du monde ne répond pas toujours à des critères occidentaux, de même que les notions de confort ou de rigueur. Le paiement d’avance peut donner des sueurs froides et il n’existe aucune garantie pour se retourner en cas de pépin. Le bouche à oreille est donc précieux pour trouver l’agence locale compétente et honnête, mais le risque en vaut parfois la chandelle.
12- Acheter directement ses prestations et composer soi-même son voyage. Il s’agit de faire soi-même le travail du tour-opérateur et (ou de l’agent de voyage) pour garder sa liberté : chercher son billet d’avion au meilleur prix, composer un itinéraire, trouver les hôtels disponibles les mieux situés au meilleur prix, trouver les moyens de transports locaux aux jours, aux heures et aux lieux adaptés, la voiture ou le scooter de location et les excursions, les guides, se faire un planning d’enfer... Et toujours et partout, il faut négocier, rester sur ses gardes et ruser entre les pièges et les escroqueries, … Quelqu’un d’expérimenté et d’habile peut assembler un voyage à un prix intéressant. Mais j’ai vu des personnes qui, après leur retour, ayant additionné honnêtement l’intégralité de leurs coûts réels (avion + hébergements +repas + transferts aéroports + transports locaux + voiture, scooter, vélo + entrées + guides,… naturellement sans intégrer le temps qu’elles y ont passé) ont regretté leur choix en comparant avec le prix d’un tour-opérateur à prestations équivalentes. Il faut du savoir-faire qui s’acquiert avec l’expérience mais sans être jamais certain d’un résultat gagnant à tous les coups.
Il existe certainement beaucoup d’autres manières de préparer un voyage. Et vous ? Racontez-moi comment vous organisez vos voyages et quelles sont vos ficelles pour concilier votre itinéraire et vos envies avec votre liberté et votre budget.