Vivre sa vie. Le titre de son blog donne le ton : pas de luxe, de frime ni de fric, mais du simple, du vrai, du nature. Astrid se dit "recentrée sur l’essentiel", "vivant au jour le jour". La naïveté et l’utopie qu’elle ne renie pas, sont ce que j’apprécie le plus. Longtemps autostoppeuse, elle roule maintenant en van et dépanne des autostoppeurs ou les héberge. Elle se dit "freegane" (combinaison de "free" et de "veganisme"). Car elle est libre, et elle le montre. Et en tant que "meatless", elle est attentive à son environnement. Ses récits rapportent au jour le jour les choses importantes comme les plus insignifiantes, avec des photos qui montrent le beau comme le moins beau.
Astrid connaît déjà beaucoup de pays, parcourus "au gré des destinations des conducteurs", mais ne s'en vante pas. Elle se montre sensible aux personnes qu’elle rencontre, que ce soient les habitants, les enfants, des compagnons d'un bout de route, ou les routiers qui l’ont prise en stop. Elle se dit "attirée par les échanges interculturels". "J’apprends à faire confiance au monde au fil des rencontres", explique-t-elle. Avec José, son compagnon de voyage, elle va où l’envie les guide, pas toujours dans les endroits les plus recherchés. Sans à priori. Par exemple en Albanie où elle raconte son "intense bonheur" à traverser ce "pays méconnu, à la mauvaise réputation qui effraie : l’Albanie s’est finalement révélée être porteuse de valeurs humaines, souvent oubliées dans nos contrées surdéveloppées."
Elle ne cherche pas à en mettre plein la vue. Dans un texte très sincère qu’elle a intitulé "Nomade. Sentiments", elle n’a pas peur de dévoiler sa sensibilité, sa fragilité face aux galères du voyage, son émotivité face aux grandes joies. Face aux défis "de la débrouillardise, de l’adaptation, de la solitude parfois, du retour à une vie primaire bien souvent", elle écrit : "il arrive que la solitude se mêle à l’errance, te laissant perdu, sur une bordure d’autoroute, un parking un peu glauque, ou dans ton lit de fortune. Il arrive que la fatigue s’ajoute à la nostalgie, et tu te demandes alors ce que tu fous là".
J’ai l’impression de retrouver le chemin parcouru il y a presque 100 ans par Alexandra David Néel (" Journal d’une parisienne au Tibet") que je suis précisément en train de lire. Sur la route, dit Astrid, cette bloggeuse routarde reine du voyage durable, "il faut t’attendre à vibrer plus fort. Les joies sont plus grandes, plus intenses, mais les coups durs sont plus violents et plus difficiles à encaisser." Malgré tout, cette aventure-là ne vaut-elle pas mieux qu’un quotidien douillet mais insipide ?