Les sambassadeurs. "Sambassadeurs" est le titre d’une chanson de 1964 un peu oubliée de Serge Gainsbourg, à l’époque où il titillait les rythmes et couleurs brésiliens. Il n’a pas été le seul puisque des centaines de chanteurs français sont allés chercher et continuent de chercher de l’inspiration et du mouvement du côté de la samba et de la bossa nova. Ces voyageurs transatlantiques de la chanson étaient et sont en quelque sorte des "sambassadeurs". Ils font connaitre le Brésil aux français et vice versa. On pourrait dire aussi des "bossanovateurs", puisqu’ils réécrivent la bossa nova à la sauce française. En marge des JO du Brésil j’ai eu envie de retrouver des traces de ce voyage musical incessant entre Paris et Rio, loin d’être terminé !
Surprise, j’ai découvert que c’était une très vieille histoire puisque dès 1940, un papi de la chanson française, Maurice Chevallier s’émoustillait de "La Choupetta", "un mot rigolo qui vient de Rio d’Janeiro". Dix ans plus tard, c’est une certain Dario Moreno qui connut un succès phénoménal avec une chanson toute simple "Si tu vas à Rio, n’oublie pas de monter là-haut", chantée à tue-tête pendant des décennies et encore souvent sifflotée plus ou moins consciemment. Tous les chanteurs français lui ont emboîté le pas. Quasiment tous ont voulu, un jour ou l’autre, mettre un zeste, un piment ou un grain de sel brésilien dans leur répertoire.
Ainsi Charles Trenet en 1952 ("Printemps à Rio"), Charles Aznavour en 1960 ("Rendez-vous à Brasilia"), Sacha Distel en 1961 ("Les cariocas"), Carlos la même année ("La Bamboula"), Annie Cordy en 1962 ("Samba Bossa Nova"), Richard Antony en 1963 ("Tout ça pour la bossa nova"), Marcel Amont en 1964 ("Samba d’été"), Dalida en 1966 ("La Banda"), Nino Ferrer en 1969 ("Rua Madureira")… pour n’en citer que quelques-uns. Il faut dire que la sortie en France en 1959 du film "Orfeu Negro" avait eu une influence considérable pendant au moins deux décennies sur les artistes français. La chanson du film "a felicidade" sera reprise par Isabelle Aubret en 1971 sous le titre "Adieu tristesse".
Tous les styles et toutes les vagues de la chanson française se sont essayés au goût brésilien : Brigitte Bardot en 1970 ("C’est une bossa nova") , Georges Moustaki (album "Déclaration", en 1973 puis "Bahia" en 1979), Nana Mouskouri en 1976 ("Quand tu chantes" adaptation d’un texte brésilien), Claude Nougaro en 1979 ("Tu verras", tirée de "O que sera" de Chico Buarte), et même Patrick Bruel en 1989 ("Décalé"). Mais les chanteurs qui ont le plus fait entrer le Brésil en France avec leurs hits sont Henri Salvador qui était devenu un maître de la bossa nova, Michel Fugain ("Fais comme l’Oiseau" adaptation de "Voce abusou" en 1972) et Bernard Lavilliers ("Brasil 72"), qui a beaucoup séjourné au Brésil et dont la musique est fortement imprégnée de ce pays.
L’influence brésilienne dans la chanson française n’a pas disparu aujourd’hui. Il y a par exemple le franco-brésilien Fabio Jorge ou un autre français Nicolas Son installés à Sao Paulo, ou bien les chanteuses françaises Natalie Dessay, Agnès Jaoui et Helena Noguerra qui se sont réunies pour tirer un pont musical entre les deux pays avec la guitariste Liat Cohen. Récemment le chanteur français Séverin a réussi avec sa femme un beau clip bossa nova, "France/Brasil". Autre coup de cœur, la française Pauline Croze et son album "Bossa Nova" qu'on aime bien et qui revisite de belles pièces du répertoire français inspiré du Brésil (Nougaro, Fugain, Ferrer, Salvador, Barouh, Sacha Distel,…). La jeune génération envoutante de la chanson française est aussi tombée dans le bain brésilien. Pas de doute, sans le Brésil la chanson française ne serait pas ce qu’elle est !