La « reine des fruits » de mes voyages. La première fois que j’ai goûté à ce fruit, je suis littéralement tombée à la renverse. Je terminais un repas bien épicé comme on sait en faire en Asie du Sud-est. C’était mon dessert. Ce fruit exotique aux teintes un peu bordeaux était posé seul sur une assiette. J’ai vite compris que ce fruit se suffisait à lui-même comme dessert. En portant à mes lèvres sa chair pulpeuse blanche et nacrée, je suis partie aux anges, en douceur, soulevée par son parfum si raffiné, rafraichissant, un peu sucré, mais avec une pointe d’acidité.
Pendant le long circuit qui m’a ensuite emmené au Laos, en Thaïlande et en Malaisie, j’en ai fait une véritable cure. Puis je l’ai retrouvé sur les marchés de plusieurs autres de mes voyages, aux Caraïbes, en Amérique Latine ou à la Réunion, puisque ce fruit magique a conquis les tropiques. J’en trouve parfois en France, mais plus difficilement et ils ne sont pas aussi bons !
Lors de ma première tentative pour y goûter, le thaïlandais qui était assis à table en face de moi a commencé par me proposer un jeu. Il m’a tendu un mangoustan (il disait « mangosteen » en anglais) en me demandant de deviner combien ce fruit avait de quartiers à l’intérieur. Je n’en savais rien. J’ai tripoté dans tous les sens ce fruit rond, dur et rouge-violacé, de la taille et de la forme d’une clémentine. Il m’annonça un chiffre « sept ». Gagné ! Trois fois, il a recommencé le même jeu et il tombait toujours juste, entre 5 et 8 quartiers. Il y a évidemment un truc que je vous laisse chercher.
Les asiatiques n’ont pas de formules assez élogieuses et décrivent le mangoustan comme la « reine des fruits », ou le « fruit des dieux ». Ils lui attribuent des vertus incroyables et innombrables : il serait l'un des fruits les plus riches en antioxydants naturels, 30 fois plus que le thé vert, affirme-t-on, par exemple. Il serait chargé de vitamines, calcium, potassium et fer. Sa peau épaisse et amère, contiendrait 40 sortes de xanthones, des composés organiques aux vertus innombrables.
A tel point que certains en font une sorte de panacée, sans doute exagérée, même si les médecines traditionnelles asiatiques utilisent abondamment le bois du mangoustanier, ses feuilles, le péricarpe (peau) de son fruit en infusions, pommades, lotions,…
On dit que la reine Victoria en aurait été une fan absolue. Je suis comme elle. Il m’a toujours fait du bien. Je trouve qu’il se laisse manger seul, fraichement ouvert, il est assez exquis pour cela. Il suffit d’inciser sa peau avec la pointe d’un couteau puis de l’ouvrir en tournant les deux parties en sens inverse.
Le mélanger à une autre préparation dénature un peu son goût si subtil, car sa chair est fragile et ne supporte pas une cuisson. Je l’ai vu préparé en salade de fruit, en jus, en lassi indien, en sorbet, en glace, en tarte, en crêpe, en panna cotta, cheesecake, … Je trouve qu’une pâte ou une crème pâtissière gâche un peu sa saveur délicate. Un mince coulis de fruits rouges ou quelques fragments de pistache est peut-être ce qui se marie le mieux à lui, en contraste de couleur, tout en respectant son élégance intrinsèque, qui fait désormais partie de la mémoire de mes voyages.