Tintin au Pérou. Quand j’étais gosse, cet album faisait partie de ceux qui me donnaient envie de voyager loin. Toute l’histoire se passe en effet en Amérique du Sud. Elle est le prolongement de l’album "Les sept boules de cristal" qui se déroule en Europe, mais où il est déjà question de la civilisation Inca. Dans "Le temple du soleil" tout se passe au Pérou. Le premier dessin de la première planche de l’album est d’ailleurs une carte de géographie, situant le Pérou dans l’Amérique du Sud et le port de Callao où commence l’action. Dans certains albums, Hergé a maquillé le nom des pays. Dans celui-ci, nous sommes dans un vrai pays comme au dans "Tintin au Tibet" par exemple. J’ai relu "Le temple du soleil" au moment où Hergé revient sur le devant de la scène (1).
A l’époque (la fin de la première guerre mondiale) Hergé ne connaissait pas le Pérou. Il a donc cherché son inspiration dans de nombreux textes et surtout illustrations d’auteurs variés parmi lesquels Gaston Leroux, Jules Verne et peut-être même le Candide de Voltaire. On reconnaît dans ses dessins un des nombreux petits trains des Andes, l’architecture et les costumes des Incas et des indiens que l'on croise encore parfois dans les rues des villes andines, les paysages et les neiges des montagnes de la Cordillère et la moiteur de la forêt amazonienne, les animaux (condor, serpent, tapir, fourmilier, alligator, et bien sûr les fameux lamas cracheurs qui sont l’occasion de gags récurrents avec le capitaine Haddock).
Hergé qui avait été mis en quarantaine au sortir de la guerre parce qu’il avait collaboré au journal belge "Le Soir" pendant l’occupation allemande, semble fuir, dans cette histoire, loin de la Belgique et de ses tracas. Comme beaucoup de voyages peuvent être, d'une certaine manière, un signe de fuite. Si Hergé s’applique au réalisme de ses dessins, ses personnages, pourtant aussi inspirés du réel, semblent en même temps fuir les réalités : Tintin est exceptionnellement perspicace (il subodore tout de suite la vérité), sportif (il gagne à la nage de nuit un bateau ancré au large du port), athlétique (il met KO plusieurs bandits armés), et même surhomme (Il saute dans l’eau d’un train fou du haut d’un pont de plusieurs dizaines de mètres) et il a toujours une chance inouïe, sauvé par le plus pur des hasards (comme la découverte de la date d’une éclipse) !
En même temps le charme de ses BD est sans doute la caricature intemporelle de ses personnages qui sont tous là : la stupidité déconcertante des Dupont et Dupond, l’ailleurs du professeur Tournesol, le sale caractère du capitaine Haddock. On trouve d’ailleurs une belle collection de ses gentils jurons dans cet album dont le fameux "tonnerre de Brest !", mais aussi "iconoclaste", "doryphore", ou "moule à gaufres" ! J’apprécie aussi les trouvailles et les gags d’Hergé pour faire rebondir sans cesse le récit, comme dans les séries télévisées qui se sont sans doute inspirées de ses techniques. Je n’aime pas tous les albums de Tintin. Mais cette histoire d’aventurier voyageur qui n’a peur de rien a peut-être inspiré inconsciemment beaucoup de mes voyages.
"Les aventures de Tintin. Le temple du soleil" de Hergé. Ed Casterman
(1) Une grande exposition, est consacrée à « Hergé » à Paris au Grand Palais du 28 Septembre 2016 au 15 Janvier 2016. « Il est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands artistes contemporains et a vendu presque 250 millions d’albums, traduits dans une centaine de langues, » précise la Réunion des musées nationaux qui organise cette exposition.