Quand Jules Verne raconte les voyageurs. Je me suis aperçu fin mars qu’on venait de fêter les 110 ans de la mort de Jules Verne. Cet écrivain prodigieux a bercé ma jeunesse de rêves de voyages avec, que ce soit bien sûr « Le tour du monde en 80 jours », mais aussi « Cinq semaines en ballon », « Michel Strogoff » et tant d’autres, tous plus épiques les uns que les autres. Lui qui n’était pas un si grand voyageur a emmené ses lecteurs, à travers les plus de 60 romans qu’il a écrits, dans autant de « voyages extraordinaires ». C’était d’ailleurs le nom de sa collection spéciale chez son éditeur Hetzel. Plus tard ses écrits ont croisé mon chemin dans certains de mes voyages, par exemple au Cap Vert quand j’ai retrouvé sa description de l’île de Santiago.
L’anniversaire de sa mort a été pour moi l’occasion de me replonger dans sa biographie. Or, j’ai découvert que cet auteur prolifique avait aussi écrit une sorte d’encyclopédie des voyages et des voyageurs. Il aurait travaillé 8 ans pour écrire les 4 volumes de cette colossale histoire intitulée « Découverte de la terre. Histoire des voyages et des voyageurs ». Je me suis aussitôt procuré le premier de ces tomes, celui des « premiers explorateurs » et je me suis immédiatement plongé dedans.
Pour trouver les sources nécessaires à son panorama historique, Jules Verne s’était appuyé sur un géographe attaché à la Bibliothèque nationale, Gabriel Marcel. C’est pourquoi il a eu l’ambition de balayer toute l’histoire connue du monde. Son épopée des grands voyageurs connus (ceux que raconte la littérature) remonte donc à la plus haute antiquité. C’est l’Etat du monde des voyages tel qu’on pouvait le décrire il y a 150 ans.
Ce livre commence par le récit du « premier voyageur de l’histoire » écrit en punique et connu par une traduction en grec de 505 avant Jésus Christ, Hannon le carthaginois, un marin envoyé découvrir les côtes d’Afrique. Suivent les récits de dizaines et de dizaines d’autres découvreurs. Certains sont très connus comme Marco Polo, Ibn Battuta ou Christophe Colomb. D’autres moins, comme Benjamin de Tudèle, juif espagnol de Navarre, Plan de Carpin, franciscain italien, ou Jean de Béthencourt, un normand qui conquit les Canaries pour le roi d’Espagne.
L’écriture de Jules Verne est agréable, facile. L’auteur résume en français fluide des récits anciens. Mais cette œuvre monumentale reste une compilation, parfois fastidieuse et énumérative. Ce travail documentaire intéressant, joliment illustré dans l’édition de Géo, reste une réécriture de divulgation. J’avoue que je n’ai pas tout lu mais que je garde ce précieux ouvrage à portée de main comme un document de référence à consulter pour quand j’aurai envie de faire une recherche.
J’en ai extrait une citation concernant l’audacieux théologien musulman et explorateur que fut Ibn Battutta. Jules Verne le décrit comme appartenant à « cette forte race de grands voyageurs qui se retrempent dans l’infortune ». Traduit en langage contemporain, on pourrait parler de voyageurs que les galères de leur voyage dopent en énergie, ou qui rebondissent dans les difficultés. C'est presqu'une définition de la résilience. Une idée qui rejoint profondément ma propre expérience des voyages.