La ville en bois. Dans ce petit pays d’Amérique du Sud au climat tropical torride, j’ai été surpris et émerveillé de découvrir des quartiers entiers de maisons anciennes toutes en bois. Bien que dans son histoire de nombreux incendies aient ravagé cette capitale de l’ancienne Guyane néerlandaise, il reste beaucoup de rues toutes en bois notamment le monumental Waterkant (promenade au bord du fleuve). Elles sont habitées, soignées et le plus souvent correctement entretenues et peintes, généralement en blanc, mais parfois de couleurs vives.
Entre les XVIIème et les XIXème siècles, les hollandais avaient apporté de leurs Provinces Unies cette architecture en l’adaptant aux bois locaux. En faisant abstraction de la moiteur et de la chaleur, j’avais l’impression de me promener dans une ville européenne d’autrefois avec une architecture élaborée de bardages à clins, habillés de piliers, colonnades, balcons, vérandas, péristyles, et de chiens assis sur les toits. Ces habitations me faisaient penser à de vieilles maisons que j’avais vues à Stockholm en Suède et en Scandinavie ou même à certaines datchas russes aperçues autour de Moscou ou sur les bords de la Volga.
Les maisons de Paramaribo, aux modèles transférés puis « créolisés » par les colons d’un côté à l’autre de l’Atlantique, ressemblent à celles qui subsistent encore en Louisiane, en Nouvelle Angleterre ou aux Caraïbes, comme en Martinique ou à Anguilla. C’est un voyage en rêve dans l’Europe des siècles passés, où le bois, détruit par des incendies successifs, a été remplacé par de la pierre. C’est aussi une plongée dans l’imaginaire de romanciers et d’écrivains voyageurs, je pense en particulier aux pages incandescentes et suffocantes en Amérique Latine d’Alvaro Mutis. Je ne pouvais pas non plus m’empêcher de penser aux rêves de mon enfance de maisonnettes en bois dans les arbres, voire même aux étroits cabanons de pêche au carrelet !
Aujourd’hui, ces innombrables maisons en bois de Paramaribo construites sur des soubassements, composés des briques qui lestaient les navires de jadis, sont soit petites et coquettes, soit grandes et majestueuses, parfois à plusieurs étages. Elles abritent aussi bien des particuliers, que des commerces, des administrations (y compris le ministère des finances ou les étages supérieurs du palais présidentiel), des ambassades et consulats, des écoles que les lieux de culte, en particulier l’incroyable cathédrale comme neuve intégralement en bois. L’état de déglingué des planches disjointes de certaines maisons me donnait toutefois envie de chanter « pirouette cacahuète ! » ou de relire l’histoire des « trois petits cochons », mais la plupart étaient admirablement restaurées, parfois aristocratiques et distinguées. Le Suriname mérite le voyage.