Les aéroports ressemblent aux dragons à plusieurs têtes de la mythologie. Ou plutôt aux dragons à plusieurs queues. En effet, avant de prendre l’avion, un passager de classe économique passe beaucoup de temps, souvent des heures, à piétiner, d’une queue à une autre.
Avant même d’atteindre les grands aéroports, les accès routiers ou ferroviaires sont déjà souvent longs et pénibles. Mais les tourments des voyageurs ne font que commencer quand ils pénètrent dans l’aérogare. Car les gestionnaires d’aéroports et tous les acteurs concernés (police, sous-traitants de sécurité, commerces) ont la même logique économique dans la gestion des flux de passagers : réduire le plus possible la charge du personnel. Au détriment du confort des voyageurs. D’un côté les grands aéroports internationaux sont devenus d’immenses centres commerciaux où l’on cherche à utiliser le temps disponible des visiteurs et, de l’autre, ils sont devenus un lieu de supplice où l’on consomme le temps des voyageurs qui passent des heures à attendre, debout dans des lignes qui serpentent de tous côtés. C’est une fatigue qui s’ajoute aux multiples stress liés au départ et au voyage. On peut aussi se poser la question suivante : est-ce que les queues pour la sécurité ne sont pas aussi des dangers pour la sécurité dans la mesure où elles provoquent des entassements humains ? Leur fluidification devient une nécessité.
Dans une grande aérogare internationale, j’ai identifié huit queues qui évoquent davantage une canalisation de bétail qu’un service client :
1- La queue à l’entrée dans l’aérogare. Pour des raisons de sécurité, les aéroports de certains pays effectuent un premier filtrage dès la porte d’entrée du bâtiment de l’aérogare. Tous les bagages, ceux qui vont en soute, comme les bagages à mains, passent déjà une première fois aux rayons X pour détecter d’éventuelles armes. Il faut attendre la disponibilité des machines et dépendre de la rapidité des hommes. J’y ai vécu des scènes de bousculade indescriptibles dans certains pays où la queue à l’extérieur n’est pas correctement organisée. Les pays européens qui avaient échappé à cette queue à l'entrée des bâtiments devront probablement se soumettre à cette contrainte supplémentaire.
2- La queue à l’enregistrement. C’est l’une des pires pour les passagers des classes économiques, surtout lors de l’embarquement dans des avions gros porteurs. Par souci d’économie les compagnies aériennes limitent le nombre de banques d’enregistrement qu’elles empruntent au gestionnaire de l’aéroport. Là où il en faudrait dix pour être efficace, elles se contentent d’en réserver quatre et ne les ouvrent que quand une queue s’est déjà formée.
Toutefois, pour optimiser la gestion des banques et du personnel, les compagnies regroupent de plus en plus un ensemble de départs d’avions dans un espace d’embarquement indifférencié. Comme il y a davantage de banques d’enregistrement réunies, la file des voyageurs avance plus vite (c’est psychologiquement plus supportable), mais comme il y a plus de passagers à emprunter la même file, la queue est beaucoup plus longue (c’est psychologiquement moins supportable) et le temps passé dans la queue est parfois aussi long, sinon bien davantage.
3- La queue des formalités de police. Elle est incontournable pour tous les vols internationaux (hors zone Schengen) et dépend de facteurs difficilement prévisibles, comme le nombre et la taille des avions au départ dans une même tranche horaire ainsi que le nombre et le zèle des agents de la police de l’air et des frontières disponibles au moment de votre passage. Il est vraiment important d’anticiper ce temps pour ne pas risquer de rater son avion. Je vois régulièrement des gens affolés tenter de passer devant les autres en prétextant un départ proche. J’ai moi-même plusieurs fois raté un avion.
4- La queue de la sûreté et du contrôle des bagages à mains avant d’entrer dans la zone d’embarquement de l’avion ou dans la zone plus large des commerces. De plus en plus, avec la même logique que pour l’enregistrement (l’optimisation des postes de travail), les contrôles de sécurité des départs sont concentrés bien en amont des salles d’embarquement, avant la zone des commerces, parfois avant les formalités de police. Comme pour l’enregistrement, quand il y a davantage de postes, la queue avance plus vite, mais elle est plus longue car il y a plus de monde.
5- La queue aux caisses des boutiques free tax. On n’en rencontre pas toujours. Mais dans la logique économique de la concentration du commerce, (des surfaces plus grandes et un ratio personnel/chiffre de ventes réduit), il est fréquent d’en rencontrer pour payer un achat que l’on veut faire… ou que l’on voudrait car les temps d’attente sont parfois dissuasifs malgré le clinquant du marketing qui rend les acheteurs frénétiques. D’autant que l’avantage théorique du prix hors taxe n’est pas toujours vérifié.
6- Les queues aux caisses des bars et des restaurants. Même chose il n’y en a pas toujours, mais souvent. Théoriquement un repas est servi dans l’avion long-courrier que l’on va prendre. Mais les passagers consomment de plus en plus dans les bars et restaurants d‘aéroport pour deux raisons principales. La première est le temps de plus en plus long passé dans l’aérogare, à cause de l’encombrement des flux (ne parlons pas cheminements, de la signalétique et des distances à parcourir). Ils sont convoqués souvent trois heures avant le départ d’un long-courrier. La seconde raison -que les voyageurs fréquents connaissent bien- concerne les repas à bord. On sait qu’ils ne sont pas toujours de qualité et surtout qu’en classe éco ils seront servis au mieux deux heures après le décollage. Pour ceux qui veulent dormir c’est beaucoup trop. Car dans un premier temps, pendant la montée de l’avion, les hôtesses et stewards restent attachés à leur siège. Puis ils doivent ensuite préparer les chariots de bord (galleys) et, vu le nombre restreint du personnel, l’étalement du service est très long. Résultat, en amont, aux heures de pointe dans certaines grandes aérogares, pour acheter un sandwich ou boire un café, il faut encore souvent faire une queue.
7- La queue à l’embarquement. Plus les avions sont gros, plus cette queue à la porte de l’avion dans la salle d’embarquement est impressionnante. Dès que l’ouverture de la porte d’embarquement est annoncée, les trois-quarts de la salle se lèvent comme un seul homme pour affronter cette ultime queue. Les compagnies tentent d’organiser plus ou moins efficacement cette dernière bousculade, par exemple en appelant d’abord, les familles avec enfants puis en appelant les passagers par groupes de sièges. Mais la sono des aéroports étant souvent déficiente et une partie des passagers ne comprenant pas la ou les langues utilisées, cette queue reste très souvent une vraie pagaille.
8- La queue à l’entrée de l’avion. Elle est le prolongement de la septième, c’est l’engorgement dans la passerelle de l’avion où il faut parfois rester longtemps à cause de la lenteur de l’entrée et de l’installation des passagers. Mais elle n’existe que lorsque les avions sont « au contact » (leurs portes étant reliées directement par des passerelles au bâtiment de l’aérogare). Lorsque l’avion n’est pas « au contact » et qu’il faut prendre un bus pour atteindre l’avion, cette huitième queue se reforme au pied des passerelles.
Ouf ! Une fois assis, il faut espérer que l’avion n’aura pas de problème technique de dernière minute et qu’il ne faudra pas tout recommencer le lendemain ! (ça m’est arrivé deux fois). En tout cas, si vous avez pris un vol avec escale et changement d’avion, sachez qu’il faudra recommencer une partie de ce parcours du combattant dans l’aéroport de transit (les étapes 5 à 8).
9 idées pour réduire le temps passé dans les queues des aéroports
Difficile d’y échapper ! Mais je me risque quand même à oser quelques idées. Certaines sont meilleures que d’autres, d’autres vous paraîtront peut-être de fausses bonnes idées, j’attends les vôtres :
1- Choisir son aéroport de départ. On ne peut pas toujours le choisir sur les longs courriers, mais quand c’est possible, surtout si le prix est plus avantageux, il est préférable de partir d’un aéroport de province (par ex Lyon ou Lille plutôt que Paris) où les étapes 1 à 4 sont plus rapides et faciles pour embarquer dans un plus petit avion dit de préacheminement. Il ne restera que les étapes 5 à 8 à franchir dans le hub de transit (par ex Amsterdam ou Francfort) pour embarquer dans le gros porteur long courrier qui vous emmènera à destination.
2- Choisir son heure de départ. Sur les vols long courrier, ce n’est pas facile. Mais quand il y a une possibilité, il est préférable d’éviter les pointes des départs du matin et des arrivées du soir où il y a beaucoup de nervosité, d’affluence et d’engorgements partout, en même temps qu’une insuffisance de personnel encore plus criante. Mais les véritables heures de pointe ne sont pas toujours là où croit et, dans les périodes creuses, on se déleste parfois de beaucoup de personnel…
3- Venir plus tôt que nécessaire. Quand on vous convoque 3 heures avant, venez 4 heures avant. Vous passerez les étapes plus sereinement peut-être plus rapidement (par exemple si vous arrivez parmi les premiers à l’étape 2 de la banque d’enregistrement). Une fois que vous aurez franchi les étapes 1 à 4, vous disposerez de temps pour faire des achats si vous le souhaitez, prendre un repas tranquillement si vous en avez envie ou encore lire ou travailler sur votre ordinateur.
Certains voyageurs jouent la carte de l’arrivée en dernière minute en se disant que la queue de l’enregistrement de l’avion est déjà éclusée. Ce qui devient de plus en plus difficile puisque les compagnies organisent des queues indifférenciées où il n’y a pas un début et une fin de queue mais toujours du monde. De plus la longueur des queues des formalités de police et des contrôles de sûreté est difficilement prévisible. Il y a beaucoup plus de personnes qu’on ne croit qui ratent leur avion et quand il s’agit d’un billet à bas coût, celui-ci est perdu.
4- S’habituer au pré-enregistrement à distance. De plus en plus les compagnies le proposent. L’enregistrement se fait chez soi ou dans un hôtel en amont et vous permet de disposer déjà d’une carte d’embarquement, imprimée sur papier ou visible sur votre téléphone mobile via l’application de votre compagnie aérienne. En arrivant dans l’aérogare Il ne reste plus qu’à déposer vos bagages de soute au guichet spécial à part. La queue y est théoriquement plus rapide.
Si vous avez loupé le pré-enregistrement à distance, vous pouvez aussi préenregistrer sur les bornes libre-service dans l’aérogare, ouvertes plusieurs heures avant les guichets traditionnels d’enregistrement. Mais beaucoup de passagers restent réticents devant ces machines à cause d’expériences difficiles (écrans pas suffisamment intuitifs ou butant sur une information manquante ou mal comprise).
De plus quand la plupart des passagers se seront familiarisés et auront basculé sur le pré-enregistrement, y aura-t-il d’aussi longues queues pour déposer ses bagages de soute ? Certaines expériences tentées me laissent penser que ces queues sont d’ores et déjà aussi longues.
5- Choisir les formalités de police accélérées et autonomes via une file dédiée. Le système français s’appelle Parafe (Passage automatisé rapide des frontières extérieures). Il n’y a même pas besoin de s’y inscrire préalablement (sauf pour les détenteurs d’anciens passeports non biométriques qui doivent passer par le site parafe.gouv.fr). Au bout de la file dédiée, il suffit d’entrer son passeport à l’entrée du sas, puis une fois dans le sas, il ne reste plus qu’à placer un doigt sur un capteur qui reconnait vos empreintes digitales pour que la deuxième porte s’ouvre.
Mais c’est la même chose que pour le pré-enregistrement, quand tous les passagers auront basculé sur ce système, les queues vont aussi basculer logiquement dans cette file.
6- S’abstenir de consommer. Si vous êtes en heure de pointe et que toutes les boutiques et restaurants débordent de clients, ne cédez pas aux sirènes du marketing, votre compte bancaire s’en trouvera mieux.
7- Dans la salle de départ, quand l’embarquement est annoncé, il est inutile de se précipiter dans la queue puisque les places sont attribuées. Mais certains passagers qui trichent sur la taille des bagages à main autorisés veulent entrer les premiers pour être sûrs de caser leurs bagages multiples et lourds dans les coffres à bagages au-dessus des sièges lesquels sont souvent trop pleins quand les derniers passagers entrent.
8- Espérer l’amélioration de l’organisation des aéroports. Par exemple arrive la pratique de l’auto-embarquement comme à l’aéroport Changi de Singapour : les passagers scannent eux-mêmes leur carte d’embarquement pour passer, ce qui va théoriquement un peu plus vite.
9- Pour échapper à la plupart de ces queues, il existe un sésame coupe-file, le privilège de l’argent. Pour cela il faut être un grand voyageur reconnu avec une carte de fidélisation chargée de « miles » (ce qui est plutôt le cas des voyageurs d’affaires dont les voyages sont payés par leur entreprise), ou voyager en « haute contribution » c’est-à-dire en achetant des billets en classe affaire ou en première. On vous déroule alors le tapis rouge, on vous fait passer par des files latérales accélérées et on vous réserve des salons cossus où toutes les consommations sont gratuites. Mais cette solution ne concerne qu’une petite minorité de voyageurs.
Je n’ai certainement pas fait le tour de toutes les astuces et ficelles pour réduire les temps d’attente. Dites-moi comment vous faites, si vous arrivez à y échapper.