D’ascendance franco-italienne, ce grand voyageur hors normes est toujours entre deux avions. Addictif de mobilité, tant pour son métier que par passion. Né à Djibouti, il a grandi en Ethiopie et au Yémen, a étudié en Suisse, appris le tourisme en France et sur tous les continents. Il y a 17 ans, il a pris la direction d’une agence réceptive, Akilanga (1), au Cap en Afrique du Sud où je l’ai interviewé. Malgré cet ancrage, il demeure l’opposé d’un sédentaire.
Diriger une agence réceptive c’est être figé dans un pays ?
Pas du tout. Je vends des voyages mais je voyage pour mon travail en Afrique australe et dans le monde entier. Et je fais de très nombreux voyages autour du globe à titre privé.
Vous avez hérité ce nomadisme de vos parents ?
Je suis né à Djibouti, j’ai grandi en Ethiopie et au Yemen où ma famille est restée jusqu’en 1990. Mon père était architecte et a travaillé à beaucoup de projets en Afrique que ce soit au Congo Brazzaville, au Congo Kinshasa, au Gabon. Il est venu en Ethiopie pour un projet d’hôtel. C’est là qu’il a rencontré ma mère qui était italienne dont le père -mon grand-père- était, depuis 1947, médecin de l’empereur Hailé Sélassié.
Mes parents ont dû quitter l’Ethiopie en 1974 quand le pays est devenu marxiste pour s’installer à Djibouti. Mais en 1977, à l’indépendance de Djibouti, nous avons traversé la Mer Rouge pour nous installer au Yémen. Je suivais des cours par correspondance et j’ai étudié dans une école américaine puis dans une école internationale à Lausanne en Suisse.
Alors où situez-vous votre origine ?
Je viens de plein d’endroits à la fois. J’ai la double nationalité française et italienne et je vis depuis 17 ans en Afrique du sud où sont nés mes deux enfants. A la base je parlais trois langues, français, italien et anglais. Mais j’ai aussi appris l’arabe, le grec, l’espagnol, le portugais au Brésil et un peu d’allemand en Suisse. J’étais par exemple capable de faire des traductions de l’italien à l’arabe.
Travailler dans le tourisme était naturel pour un profil aussi transfrontalier ?
Sans doute. Dès l’âge de 14 ans j’ai travaillé au Yémen pour des amis de mes parents une agence réceptive italienne. Puis pendant deux étés j’ai fait des petits boulots d’animateur sportif dans le Péloponnèse en Grèce. J’ai quand même vécu quelques années en France puisque j’ai atterri dans une agence de voyages Wasteels à Reims. D’abord comme accompagnateur free-lance de groupes puis comme billettiste air-mer-fer et vendeur de forfaits groupes. J’ai donc appris le métier sur le tas, en utilisant Amadeus, l’outil informatique de la profession. Je me suis construit professionnellement de cette façon mais je n’étais pas vraiment attiré par un métier de sédentaire. Heureusement, quand je travaillais dans cette agence, j’ai fait de nombreux éductours, du moins ceux qui étaient proposés et qui n’intéressaient pas mes responsables. Moi, je prenais tout ce qui se présentait car je voulais voir un maximum de choses.
Wasteels m’a ensuite promu en m’envoyant dans une agence à Strasbourg … où j’ai été débauché par la patronne d’un groupe concurrent, Pauli. Pour cet autocariste qui vendait des forfaits de tourisme, j’ai recréé et relooké une agence de Strasbourg que j’ai développée pour l’émission de billets d’avions (en agrément IATA) et pour la vente de croisières et de forfaits tourisme. J’avais 26 ans et j’y suis resté de 1996 à 2000. Dans ce poste aussi j’ai effectué de nombreux éductours. Le dernier que j’ai pu faire en 1999 s’est passé à Tahiti et je me souviens avoir fait le voyage en business.
Mais les éductours sont des voyages très speeds et superficiels ?
C’est vrai on visite souvent beaucoup d’hôtels. Mais j’aime les hôtels qui font partie des voyages. Ces voyages éclairs ont été pour moi une manière de connaître beaucoup de pays et de rencontrer de nouvelles personnes qui m’ont aidé à évoluer dans ma profession. Et je suis retourné plusieurs fois dans certains pays, comme à Istanbul ou dans l’île de Saint Martin aux Caraïbes où je suis allé une dizaine de fois. Je me suis aperçu que je revoyais à chaque fois les mêmes lieux sous un nouvel angle. D’autant que je suis photographe et que je suis attentif aux détails.
Ces voyages ultra-rapides vous laissent-ils le temps de la curiosité ?
C’est vrai qu’un voyageur par nature doit être curieux. Mais ces éductours ne sont souvent pour moi que des amuse-bouche. Quand une destination me séduit et que je m’y projette avec quelqu’un d’autre, j’y retourne avec ma famille pour l’approfondir. Un exemple, j’étais allé avec quelques amis collègues découvrir la Tanzanie, ainsi que Zanzibar et petites îles de son archipel, dans un petit avion privé. Un mois plus tard j’ai loué le même avion je suis retourné dans une de ces îles paradisiaques, Fanjove Island, au sud de Mafia Island, profiter d’un des petits bungalows que j’avais vus et passer un moment avec ma femme en « barefoot luxury ». J’aime m’imprégner de tout, des gens, des paysages, puis passer à autre chose. Mais je reviens souvent dans les lieux qui me plaisent le plus.
Je n’aime pas les gens qui ne regardent pas. J’aime attraper des instants de la vie des habitants des pays que je visite. C’est pourquoi, j’aime faire des photos de personnes et de situations. Pour le moment, je mets ces photos sur un disque dur, un peu comme mon père qui a gardé des milliers de photos argentiques sur des planches contact.
Pourquoi vous êtes-vous installé en Afrique du Sud ?
Il faut bien se poser quelque part, surtout quand on a une famille. En l’occurrence, au départ, j’avais répondu à une petite annonce disant chercher un responsable d’agence réceptive en Afrique du Sud. J’étais séparé avec 1 enfant. J’ai quitté Strasbourg en 2000 avec ma fiancée. Nous nous sommes mariés à Johannesburg et avons eu deux enfants.
Donc vous êtes intégré dans le pays ?
Oui, j’ai acheté une maison et j’ai obtenu l’équivalent d’une « green card » pour travailler ici. Mes enfants ont la triple nationalité italienne, française et sud-africaine et ils parlent anglais, italien et français. Je ne suis donc pas de passage dans ce pays. Pourtant en ce qui me concerne, je garde à 100 % mes origines de français et d’italien, et l’Afrique du Sud est davantage une terre d’accueil que mon pays. J’y étais parti pour deux ans et j’y suis resté. Mais j’y vis bien, et quand on est bien dans sa tête dans un endroit, il n’y a pas de raison d’en partir.
Mais en même temps, je suis toujours en déplacement. Je ne peux pas concevoir de ne plus me déplacer physiquement. Je prends plus de plaisir souvent dans le déplacement lui-même que dans la destination. J’aime les aéroports et les avions et je prends des cours de pilotage.
Ces voyages frénétiques sont une addiction pour vous ?
Oui certainement. Mais ça tombe bien parce que mon épouse et mes enfants le sont aussi. Je passe la moitié de mon temps en déplacements pour le travail et l’autre moitié avec la famille. Mais mes voyages professionnels sont courts et fréquents alors que les voyages familiaux en été durent de 10 jours à 5 semaines.
De plus je deviens client d’agence de voyages, un vrai passager. En voyageant je me fais consommateur et je me mets à la place de mes clients. Etre un grand voyageur est ce qui me permet de rechercher les bonnes adresses et les bons services que mes clients attendent.
Qu’est-ce qui vous attire dans les voyages ?
Le voyage en soi. Le déplacement. Le fait de partir. Mais aussi de revenir, parce que je suis bien à la maison. J’aime aussi bien partir sur une île déserte qu’à New York. Récemment en rentrant d’un voyage au sud de Madagascar, je suis parti directement à New York et Time Square. Je fais un voyage à l’étranger tous les mois ou les 2 mois. Récemment j’ai enchaîné Londres, Madagascar, New York, Londres, Madrid, Berlin et le Brésil. Mais tout ce que j’ai fait a un sens. J’ai beaucoup appris. Si j’avais à le refaire, je le referais.
Tous les pays sont-ils égaux d’intérêt pour vous ou avez-vous eu un coup de foudre particulier pour un pays ?
Le seul pays avec lequel j’ai toujours eu de l’affect depuis mon enfance, c’est le Brésil. Ce qui me plait dans ce pays, ce sont les ambiances, les odeurs, les goûts… J’en prends le meilleur. J’y vais trois fois par an pour mon travail et parfois en famille. Mes enfants aussi l’adorent.
C’est sympa en vacances, mais je n’y habiterai jamais parce que c’est le chaos permanent. Le coût de la vie y est cinq fois plus élevé qu’en Afrique du Sud et l’insécurité beaucoup plus grande. Le chaos ambiant a un certain charme mais si je peux travailler avec les brésiliens, c’est que je sais gérer. Rien à voir avec l’Afrique du Sud où tout marche et roule presque comme en Suisse.
Vous connaissez le monde entier ?
Loin de là. Je connais bien par exemple l’Afrique, sauf l’Afrique de l’ouest et l’Afrique australe est mon terrain de jeu professionnel. Je connais aussi le monde arabe, et, aux Amériques, le Brésil où j’ai des clients, le Chili, l’Argentine et New York,… Je m’adapte partout, sauf peut-être en Finlande. Il y a les pays où j’ai envie de revenir, d’autres pas. Notre regard sur les pays évolue. Il m’est arrivé de visiter un pays seul, puis avec des copains, puis avec femme et enfants : on ne le perçoit jamais de la même façon et on ne vit pas la même chose.
Ya-t-il des endroits qui vous font encore rêver ?
Je suis difficilement dépaysé en voyage, sauf en Asie peut-être où je me sens parfois un peu perdu. Donc le Japon par exemple est sur ma bucket-list. J’ai déjà séjourné à Hong-Kong, Bali et Singapour. L’Australie est aussi sur ma liste. Un peu comme les Etats-Unis, où je ne connais que New York alors que j’ai étudié dans une école américaine. Je réserve la visite de ce pays pour la fin de ma vie. Car je suis curieux de découvrir l’Amérique profonde qui doit avoir beaucoup de similitudes avec l’Afrique du Sud.
(1)Akilanga est une des principales agences de voyages francophones réceptives (ou DMC « destination management company » ) basée en Afrique du Sud. Elle avait été créée en 1994 et André Laget en est l’associé depuis 2000. Elle emploie du personnel français en Afrique du Sud pour l’accueil de voyageurs français mais elle s’est aussi développée dans l’accueil de touristes brésiliens, italiens, espagnols. Elle compte bientôt une centaine d’employés permanents (10 fois plus qu’en 2000) dont une vingtaine à Paris et d’autres dans des bureaux en Tanzanie et en Namibie.
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