Les fantômes de la Rome antique. Dès que l’on sort des rues et que l’on passe le pas des portes des maisons et des édifices de Pompéi, l’émotion monte d’un cran. Ces maisons, boutiques et monuments ont été découverts de la couche de cendre qui les recouvrait, exactement tels qu’ils étaient il y a à peu près 1950 ans. Beaucoup de mosaïques et de fresques sont quasiment intactes. Les thermes semblent encore résonner des cris des baigneurs et baigneuses, et les commerces des cris des bonimenteurs.
Ce qui est le plus poignant ce sont les habitants fossilisés dans la mort. La cendre brûlante qui s’est infiltrée partout a littéralement pétrifié les personnes dans la position où elles ont été surprises, blotties dans les recoins de leurs maisons. Et les corps brulés en se décomposant ont laissé des cavités vides dans la roche refroidie. D’où l’idée d’un archéologue italien d’injecter du plâtre liquide dans ces creux. Il en est ressorti les moulages pathétiques de plus d’un millier de corps, figés dans leur dernier instant. C’est l’image la plus saisissante qui me reste de Pompéi.
Une autre chose m’a touché lors de ma visite, c’est la deuxième mort de Pompéi. Les restes de la ville détruite une première fois en 79 avaient été protégés jusque dans les années 1700. Depuis, les ruines sortent des cendres qui les recouvraient, mais elles sont exposées à tout : à la cupidité des pilleurs d’œuvres d’art, au piétinement et à la bêtise des visiteurs, aux maladresses ou à l’incompétence de restaurateurs, au soleil, à la pluie, à l’humidité, aux excréments d’oiseaux et de chiens errants qui prolifèrent, à la végétation insidieuse (même si c'est moins spectaculaire qu'à Angkor), aux pierres rongées par la pollution, aux éboulements, au manque de moyens mis et à l'incurie des pouvoirs publics italiens, aggravés par le racket des mafias locales,… Pompéi, patrimoine hors normes mondial de l’humanité, se meurt doucement et s’efface de l’histoire.
