Au coin du feu. Quand la route franchit une sorte de défilé qui est la porte de la caldeira au sommet de l’île de Fogo, j’ai m’impression d’entrer dans le fond d’un barbecue ou dans un four. Non pas à cause de la chaleur mais à cause de la noirceur des lieux. Ce gigantesque cratère d’effondrement de 8 km de diamètre est bordé sur un côté par une muraille abrupte et vertigineuse (comme dans les cirques de La Réunion) de près de 1000 mètres qui culmine par endroits à 2700 mètres. De l’autre côté se trouve la fameuse pointe du Pico. Entre les deux c’est une mer de lave avec des blocs géants plus grands que la voiture, figés mais en désordre, comme s’ils étaient chahutés par une tempête. J'ai l'impression d'être sur une autre planète, à des années lumère de Sao Filipe.
Comme toujours dans les montagnes, la meilleure méthode pour savourer le paysage c'est le trek et la randonnée pédestre. Mon guide m’attend et il me fait tout de suite grimper sur le petit Pico, une sorte d’excroissance sur le flanc du grand Pico. La marche est pénible puisque nous avançons comme sur une plage ou une dune dans un sable noir qui crisse sous les pas (un lapilli que les espagnols des Canaries appellent "picon"). Mais en haut de ce petit sommet, quelle perspective ! La mer de lave charbonneuse s’étend à nos pieds et on aperçoit au fond deux petits villages de maisons blanches. Sur ce sommet le sol devient chaud et nous approchons d’une bouche qui crache des vapeurs chaudes, fétides et soufrées. Les lèvres de cette bouche sont comme maquillées de couleurs blanches, jaunes, orangées et rouges… Le volcan est actif et peut se réveiller à tout moment…
Je suis pressée de m’éloigner et de redescendre. Une longue descente, vertigineuse par endroits dans ce même sable qui glisse et crisse, commence alors vers le village de Cha das Caldeiras au fond du cratère. Mais en approchant de ce village, ma surprise est de plus en plus grande en découvrant des plantes et même des arbres qui sortent de ce désert charbonneux et dont le vert tranche sur le fond du décor, comme l’aloé vera qu’on peut voir à Lanzarotte (Canaries). Je vois de plus en plus de légumes et même de plants de vignes et des hommes et des femmes qui soignent ces cultures. Mon guide m’explique que les vignobles produisent un vin rouge local corsé, le manecom, commercialisé sous le nom de « vinho de Fogo ». Ce serait un des vignobles du monde les plus proches de l’équateur.