Voyage au-delà du réel. A priori, le temple blanc que j’ai découvert près de Chiang Mai m’a semblé plutôt adoucissant et apaisant comme si j’étais entrée dans un cocon. En arrivant devant ce temple albinos, j’ai eu l’impression de retrouver les langes, les draps, voiles et parures rassurantes de mon berceau. L’image paradisiaque d’un bonheur divin !
Mais à cause de l’aspect globalement immaculé du lieu, j’ai été d’autant plus surprise en découvrant les horreurs et les monstres terrifiants qui hantent cet espace. Le plus cauchemardesque est le passage de part et d’autre de l’entrée : une fosse d’où n’émerge qu’une forêt de mains, mêlée à des crânes et des queues de dragons, comme s’il s’agissait de personnes se noyant ou tombant dans les flammes de l’enfer. Il n’y manque que les hurlements. C’est, parait-il, le côté épouvantail et dissuasif vis-à-vis des interdits que l’artiste Chalermchai Kositpipat a voulu créer.
J’ai eu l’impression de revoir les peintures du moyen-âge, comme le polyptyque de Beaune ou les grandes fresques des monastères de Bucovine dans les Carpates représentant la fin du monde. Je me suis aussi souvenue de l’histoire du Styx, le fleuve des enfers dans la mythologie grecque. Le plus étonnant est que Chalermchai Kositpipat fait un joyeux mélange des légendes, des mythologies anciennes avec des personnages de la science-fiction contemporaine comme s’il y avait une continuité des forces occultes à travers les âges. On ne sait plus très bien si on est dans un temple bouddhiste ou dans un film d’horreur et les interdits ... qui veulent préserver la propreté du lieu sont partout.