Au nord de la partie européenne de la Russie, en Carélie, sur le lac Onega, se trouve une des pures merveilles de la Russie, l’église de la Transfiguration de Kidji. On m’avait parlé de cette perle rare, mais je me suis laissé surprendre par la beauté de cet édifice tricentenaire, construit en 1714 à l’époque de Pierre le Grand, le fondateur de Saint Pétersbourg. Cette église couronnée de 22 bulbes a été construite exclusivement en bois, principalement de sapin et de tremble, taillé à la hache, sans clous mais avec des chevilles de bois.
Située sur une petite île perdue au fond du lac Odega, immense comme une mer intérieure, je vois émerger cette église au fur et à mesure que le bateau s’approche. Le mot flamme paraît peut-être impropre pour un édifice en bois, mais c’est celui que j’ai trouvé de plus proche pour exprimer l’impression de mouvement que je ressens devant cette architecture toute en rondeurs croisées montant vers le ciel.
Le plus impressionnant est que ce monument de l’orthodoxie rurale russe, classé au patrimoine mondial de l’Unesco - c’est bien la moindre des choses- change de couleurs et de teintes selon les heures du jour et l’angle selon lequel on le regarde. Sa dentelle de tuiles assemblées comme des écailles semble tantôt couverte de plaques d’argent lumineuses, tantôt recouverte de bitume noir. Elle passe par toutes les nuances intermédiaires, sans compter le rougeoiement du levant ou du couchant ou le vert des prairies environnantes qui paraissent déteindre sur ce chef d’œuvre. Elle est au centre d’un « enclos paroissial » rural (« pogost » en russe) qui comprend aussi le plus vieux moulin à vent de Russie et quelques maisons traditionnelles, aussi en bois, il va de soi.