Balade dans une forêt d'architectures contemporaines. Après les couleurs, les formes. Dès que je suis sortie du métro M1 de Milan, j’ai eu l’impression, en voyant l’Expo Milano 2015 qui s’offrait à mon regard, de découvrir un fatras architectural. Car dans ces 110 ha s’enchevêtrent un capharnaüm de pavillons de 145 pays. Chacun a fait travailler l’imagination de ses meilleurs architectes en leur demandant la quadrature du cercle : de la tradition et de l’avant-garde.
Résultat, aucune harmonie d’ensemble, une vision chaotique, un tohu-bohu d’arrondis, de lignes droites, diagonales, brisées et une hétérogénéité des matériaux informes emmêlés, bois, métaux, aluminium, verre,... La ville de Milan d’où je sors semble ordonnée à côté. Malgré l’empilement des époques, elle est plutôt faite de façades droites à angles droits, percées de portes et de fenêtres. Ici, tout semble de travers. La foule de l'exposition est comme une procession de fourmis traversant des herbes gigantesques.
Pourtant le premier bâtiment qui s’impose à ma vue est celui du « pavillon zéro ». Son nom renvoie au thème des Nations Unies : "Défi Faim Zéro. Unis pour un monde durable". Ses cônes schématisent des courbes de niveau et reproduisent des montagnes et collines. (Ils me font penser aux cuisines de l’abbaye de Fontevrault !). Son aspect, né d’une idée de Davide Rampello, responsable d’institutions culturelles internationales, a été réalisée par un architecte et designer de musées Michele De Lucchi.
Je me dis alors que dans le fouillis des pavillons entassés il y a sûrement à percevoir les grandes tendances de l’architecture contemporaine. La première ligne de force est précisément la quasi absence de façades unies, lisses. Les bâtiments traditionnels sont l’exception comme les pavillons du Maroc, du Soudan ou du Saint Siège ou les boîtes des "clusters" ces ensembles thématiques (café, cacao, fruits, îles, riz, épices, zones arides) construits pour donner des petits espaces aux pays qui n’ont pas moyens de s’offrir une création originale.
Mais les pays ou institutions suffisamment riches pour concevoir un sur-mesure exclusif sont sortis des vieux schémas. Leurs architectures sont hérissées, râpeuses, déstructurées, fragmentées, ajourées, aérées, éclatées. Le cœur de leurs bâtiments sont habillés de treillis et grillages (Italie, Royaume Uni, Intesa San Paolo), de cages (Brésil, Colombie, Espagne), de paniers et tressages (Qatar, Indonésie), de voiles (Allemagne, Mexique, Koweit), de jardins verticaux (Etats-Unis, Belarus) comme les échafaudages de constructions jamais finies. Certains mélangent matériaux (notamment verre et bois : Thaïlande, Azerbaïdjan, Vietnam) et lignes courbes et droites (Turquie). Le pavillon de Corée, tout en arrondis lisses et blancs, tranche sur le reste.
Une autre caractéristique qui m’a frappée dans ce mini tour du monde est l’importance du bois qui recouvre souvent les bétons et métaux. Pas à la manière des maisons de bois tradidionnelles. Mais parce que beaucoup des grilles et résilles qui emmaillotent les constructions sont en effet en bois comme celles qui enveloppent les pavillons France, Malaisie, Uruguay, Pologne, Slovénie, Estonie, ou une partie des pavillons du Japon et de Russie ou encore le toit en bambou du pavillon Chine. Le tressage des constructions et les matériaux choisis se rapprochent ainsi de la nature foisonnante et variée. D’ailleurs les pays qui n’ont pas ou peu d’eau, mettent précisément l’accent sur l’eau comme le Koweit ou l’Oman. Comme si les œuvres humaines cherchaient une réconciliation nécessaire avec la nature. Peut-être est-ce ce qu’essaie d’exprimer l'immense "arbre de vie" posé sur un bassin près du pavillon Italie.