La planète pour se nourrir. La terre pourra-t-elle indéfiniment nourrir les humains qu’elle porte ? La question hante les allées et les pavillons de l’exposition universelle de Milan. Ce thème d’Expo Milano 2015 ne m’a pas toujours sauté aux yeux dans tous les pavillons. En effet, les pays exposants cherchent d’abord à épater la galerie par leurs architectures prodigieuses, leurs savoir-faire exceptionnel, leurs richesses inouïes, leurs beautés hors du commun,...
Le thème de l’alimentation vient ensuite. Heureusement il est partout sous-jacent, parfois de manière purement anecdotique ou esthétique. Mais il est traité sous des angles multiples, de manière très concrète ou très intellectuelle, sous des perspectives artistiques, décoratives, explicatives, gastronomiques, économiques, botaniques,… La bouffe, grande, bonne, mauvaise ou insuffisante est partout. Ici comme dans tous les voyages. Il suffit de prendre le temps d'entrer dans las pavillons et de regarder les nombreuses vidéos. J'ai été aussi séduite à l'extérieur par les morceaux de campagne apportés dans ce milieu urbain : des plantations de riz, des murs végétaux, ... On entre dans le pavillon France en traversant un jardin où mûrissent des tomates et des aubergines.
En fait dès l’entrée de l’expo, une parade de hautes statues gargantuesques, composées à la manière des toiles du peintre italien Arcimboldo, sont en quelque sorte le hors d’œuvre de ce lieu étonnant. Puis viennent des étals énormes de marchands de quatre saisons qui décorent l’année centrale et déploient une surabondance de victuailles. Toutes ces œuvres sont des installations de l’artiste Dante Ferretti, un italien qui s’inspire des "molto buono prodotti" de son pays. C’est vrai que, personnellement, à chaque fois que je fais un voyage en Italie, je suis impressionnée par la qualité des repas.
Mais ici je suis un peu déçue, je m’attends à sentir au milieu des allées toutes sortes de pâtes émergeant al dente de marmites en ébullition, à humer du parmesan fraîchement râpé posé sur de minces tranches de coppa au sommet de montagnes de charcuteries fines, à respirer le fumet de risottos en fin de cuisson, à déguster des vins renversants, à être attirée par l’arôme de cafés irrésistibles, à baver d’envie devant d’authentiques tiramisu extraits de vitrines lumineuses ,… Rien de tout cela, le bien-manger est visible mais pas toujours palpable. Les restaurants italiens restent concentrés dans une zone spécifique, "Eataly". Vu les queues devant les restaurants je déjeune dans des restaurants plus calmes,… un hollandais et un polonais.... Car une extrême variété de cuisines de tous les continents est offerte.
Mais je comprends que le thème du salon mette mal à l’aise les chefs, l’art culinaire et la gourmandise. Plutôt que de gloutonnerie, la question posée à notre société est plutôt celle de la qualité alimentaire et de la nourriture pour tous. Comment produire mieux et plus équitablement et plus proprement en somme. Curieusement, l’expression "faim dans le monde", qui occupait les média et tourmentait les âmes sensibles il y a deux ou trois décennies paraît aujourd’hui effacée des discours. Pudeur ou mauvaise conscience ? L’image qui me marque le plus et me brouille les yeux dans cette exposition, je la trouve dans le pavillon de Corée. C’est celle de la vidéo d’un enfant squelettique et nu accroupi et grattant le sol. Quand je m’approche de l’écran, l’enfant lève la tête et me regarde, semblant simplement dire "pourquoi" ?