Elle a fait l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris, a été prof de français puis s’est plongée dans l’écriture (1). Avec son mari, artiste plasticien reconnu, elle s’est expatriée à Rome d’où elle part découvrir le monde en famille et d’où elle anime son site très pratique "avec-mes-enfants.fr"
Voyagez-vous souvent avec vos enfants ?
Nous avons fait, en moyenne avec nos trois enfants, un très grand voyage tous les deux ou trois ans, vers l’Asie ou le continent américain. Nous avons aussi fait beaucoup de petits voyages en Europe. Les seules pauses ont été lorsque les enfants étaient bébés. Nous n’avons commencé à voyager avec eux qu’à partir de 2 ou 3 ans. Avant cet âge, c’est un peu angoissant à cause de l'éventuelle absence de structures sanitaires et parce qu’il me semble plus simple qu’un enfant soit propre et n’ait plus besoin de faire la sieste pour voyager.
Aviez-vous commencé vous-même à voyager très jeune ?
Je n’ai pas vécu dans une famille de voyageurs. Les voyages étaient chers, ils se sont heureusement beaucoup démocratisés. Je n’ai découvert le monde du voyage que lorsque que j’étais jeune adulte. Mon premier grand voyage a été aux Etats-Unis en tant qu’étudiante. Puis j’ai pu réaliser mon grand phantasme, l’Inde et la Chine, lors d’un long périple de plusieurs mois dans les années 1990 avec celui qui allait devenir mon mari. Nous avons fait un tour de l’Inde en train. La découverte de la Chine a été plus difficile, à cause de la barrière de la langue car peu de gens parlaient anglais. Nous nous sentions enfermés dans notre univers. Le seul fait d’acheter un billet de train dans une gare était extrêmement compliqué !
Pourquoi vous êtes-vous installée à Rome ?
Mon mari, mes trois enfants et moi vivons depuis 3 ans à Rome. Nous avons fait ce choix de vie par passion de l’ailleurs, avec l'envie de faire l'expérience de se sentir étranger quelque part. Rome répondait à nos critères parce que située au centre de la Méditerranée entre Paris et Athènes. Cette ville rejoint aussi quelque part ma formation littéraire, j’ai été professeur de français pendant 15 ans. Depuis que j’ai cessé ce métier, je vis d’activités d’écriture dans l’édition, la communication, et la rédaction de mon site. Par ailleurs mon mari qui est artiste a été lauréat de la Villa Médicis.
L’arrivée des enfants a-t-elle changé votre façon de voyager ?
Oui, bien sûr, par exemple dans le choix des destinations, il fallait prendre des précautions sanitaires. Il n’était pas question de mettre en danger nos enfants, beaucoup plus fragiles que nous. Et puis nous avons dû adapter notre rythme. Nos envies nous poussaient à nous déplacer souvent et rapidement. Il a fallu renoncer à cette agitation avec un rythme plus calme et des pauses. Au bout du troisième jour dans le Yucatan au Mexique, par exemple, un de nos enfants nous a demandé : "on ne s’arrête jamais ? Il faut refaire ses valises tous les jours ? ". Dans les villes, nous avons appris à trouver des activités plus récréatives et distractives, car il y a des limites aux visites d’églises et de musées. Un des difficultés avec 3 enfants, c’est-à-dire 5 personnes, est qu’il reste souvent compliqué de trouver les bons hébergements parce que les chambres d’hôtels ou les cabines de bateaux sont souvent limitées à 4 personnes. Plusieurs fois mon mari a dû se dévouer pour dormir dans un dortoir ou sur le pont d’un bateau ! C’est une des difficultés pratiques qui m’a donné envie de créer mon site.
Est-ce que voyager avec des enfants, change le regard des gens que vous rencontrez ?
Partout où nous arrivons avec nos enfants, nous sommes gâtés, choyés, accueillis avec davantage de gentillesse et de prévenance. A Cuba, quand nos enfants ont eu envie de faire des dessins, il n’y avait pas de papier dans la maison où nous étions, ni même dans les magasins. Pourtant nos hôtes se sont pliés en quatre pour en trouver. Même chose quand il s’est agi de trouver une deuxième assiette de frites ou du chocolat. Partout, nous avons bénéficié d’une grande attention portée aux enfants et d’une grande générosité. Et puis les enfants se lient toujours très facilement avec les autres pour jouer.
Les voyages sont-ils pour vous une occasion de rencontrer des gens ?
Nous restons malheureusement peu de temps là où nous passons et nos rencontres restent furtives. Pourtant, même lorsque nous ne parlons pas la même langue, les rencontres sont faites de petites choses, d’échanges, de sourires, parfois très touchants. La rencontre la plus improbable et sans paroles que nous ayons gardée en mémoire, mon mari et moi, s’est produite avant que nos enfants ne soient nés. Nous avions loué des vélos sur les hauts plateaux du Tibet et nous nous étions arrêtés au bout d’une route, face à un paysage grandiose, sans personne. Puis nous avons vu apparaître au loin deux petits points qui ont progressivement grandi jusqu’à ce que nous découvrions en face de nous deux jeunes tibétains de notre âge aux cheveux très noirs, portant sur eux toute leurs richesses, manteaux et bijoux traditionnels, poignards dans leurs bottes,… Nous étions tellement différents que nous nous sommes un moment dévisagés. Puis nous avons franchement éclaté de rire….
Comment préparez-vous vos voyages ?
Je n’achète jamais de voyages tout préparés. Je les prépare toujours seule. C’est pour moi un grand plaisir, même si je râle parce que c’est chronophage et que construire un circuit est un casse-tête. Je pense que si je m’adressais à un intermédiaire cela me coûterait plus cher et, surtout, que quelque chose m’échapperait, que je serais un peu dépossédée et frustrée.
Vos enfants ont grandi, est-ce que l’adolescence change votre façon de voyager ?
Un voyage avec des adolescents est différent. Ils manifestent bien sûr davantage leurs propres envies et goûts. Ce qui me semble très positif, c'est que le fait de sortir les ados de leur contexte quotidien désamorce souvent bien des conflits. Ils prennent conscience de certaines choses. Ainsi lors de notre voyage à Cuba, nous logions chez l’habitant : confrontés aux difficultés quotidiennes de nos hôtes, à la pauvreté, à la censure, ils auraient eu mauvaise grâce de se plaindre ou de se chamailler entre eux. Mon fils aîné a maintenant 18 ans et le flambeau du voyage lui est passé. Il va faire seul un grand voyage au Japon. Mais nous avons toujours envie de faire d’autres voyages avec eux, par exemple en Russie.
Voyager sans vos enfants quand ils seront grands sera-t-il plus facile ou difficile ?
En Russie, je rêve de faire le voyage en Transsibérien. Les enfants voudraient venir, mais je préférerais le faire seule. Le voyage est très long et je ne suis pas sûre qu’ils aimeront l’espace confiné aussi longtemps, ni qu’ils accepteront de regarder indéfiniment par la fenêtre des paysages uniformes, ou de lire ou de bavarder pendant des heures avec les autres voyageurs,…
Quand et pourquoi avez-vous créé votre site "avec-mes-enfants.fr" ?
Je l’ai ouvert au début de 2010. Quand je préparais notre voyage au Mexique, il me manquait une foule de renseignements que j’ai eus beaucoup de mal à trouver par moi-même. J’ai préféré créer ce site plutôt que de jeter toutes mes informations à la poubelle ! C’était le site pionnier sur les voyages en famille qui, depuis, a fait beaucoup d’émules. Il correspondait à une véritable attente, car beaucoup de familles m’ont spontanément proposé de parler de leurs voyages. Si bien qu’aujourd’hui le site décrit plus de 70 destinations, bien plus que nous n’aurions pu en faire avec nos enfants.
Comment fonctionne ce site ?
Je procède par interviews des familles intéressées et je rédige moi-même des fiches à partir d’un questionnaire type. Par rapport aux guides traditionnels, son avantage est de refléter l’expérience réelle de vrais parents qui ont vécu les destinations qu’ils présentent. Mon site est une sorte de guide pratique répertoire pour les parents. Il est aussi source d'inspiration pour ceux qui hésitent sur le choix d'une destination avec les enfants Je viens d’en ouvrir une version en anglais, travel-with-my-kids.com, et mon site en français va bientôt être « re-désigné ».
(1)
Virginie Auguste-Dormeuil est notamment l’auteur de "Nous les enfants de 1968" aux Editions Warberg et de "50 fables expliquées aux enfants" à la Librairie des écoles.