Le plat national de la Côte d’Ivoire. Impossible d’échapper à l’attiéké en voyageant en Côte d’Ivoire ! C’est un plat de riches et un plat de pauvres. Ce manioc râpé se trouve aussi bien vendu dans la poussière des trottoirs que dans les « maquis », c’est-à-dire les restaurants populaires d’Abidjan. On le consomme aussi sur les plus exquises tables de la grande bourgeoisie.
Dans cette ville j’en ai mangé partout et à toutes les sauces. Il accompagne toujours un plat plus ou moins copieux et se présente sous la forme d’une semoule, préparée en râpant et en cuisant des tubercules de manioc. Son origine vient des ethnies vivant autour des lagunes du sud de la Côte d’Ivoire, notamment les Ebriés qui lui ont donné son nom mais il est consommé dans toute la Côte d’Ivoire, laquelle ne compte pas moins de 52 ethnies et langues.
Un tubercule venu d’Amérique Latine
Le manioc est une plante tropicale connue à peu près du monde entier. Je l’ai rencontré, parfois sans m’en rendre compte, dans beaucoup de mes voyages. Originaire d’Amérique du sud, Il est toujours utilisé sur ce continent en farinha qui accompagne notamment la feijoada un plat populaire du Brésil comme du Portugal, combiné à des haricots noirs. En Guyane, il est consommé en salade à la manière d’un taboulé (couac) ou en galettes (cassave).
Beaucoup d’autres pays d’Afrique le consomment : foufou au Congo (comme en Côte d’Ivoire), bibôlô au Cameroun, mangbèré en Centrafrique, katkat manioc à l’île Maurice,… En Asie, il accompagne des ragouts ou compose des desserts au lait de coco. Tous les cuisiniers occidentaux le connaissent (parfois sans le savoir) en utilisant le tapioca comme épaississant de desserts ou de soupes. Mais il reste encore une terra incognita à explorer pour les grands chefs.
Une longue et minutieuse préparation
Les racines du manioc ont un intérêt diététique car elles ne contiennent pas de gluten, mais elles présentent un danger car elles contiennent des traces (seulement des traces heureusement !) d’un poison très violent, le cyanure (aarrrgh !). La préparation de la semoule ou de la farine de manioc que l’on trouve sur les marchés suppose donc une très longue et sérieuse préparation en amont. Ce sont les lavages et les cuissons qui évacuent les traces de cyanure. Je me suis fait expliquer par une ivoirienne expérimentée les étapes de la préparation dans ce pays.
Une fois déracinés les tubercules doivent être épluchés et soigneusement lavés. On les coupe en deux pour enlever la partie fibreuse du milieu avant de les plonger dans une marmite d’eau où ils cuisent jusqu’à devenir tendres. Une fois égouttés et refroidis, on les enferme dans un sac de riz vidé où ils restent enfermés pendant trois jours. Ils sont ensuite relavés puis épluchés et râpés.
La semoule ainsi obtenue est mélangée à un peu d’huile rouge de palme chauffée et refroidie puis mise à nouveau dans un sac toute une nuit pour en laisser sortir le jus. Le lendemain, elle est encore pressée, tamisée, puis mise à sécher au soleil sur une bâche. Une fois séchée on la recuit à la vapeur en la remuant comme du couscous. Seulement alors l’attiéké est prêt à consommer et mis dans les petits sachets plastiques transparents, de la taille de pamplemousses, que l’on retrouve à vendre sur le bord des routes (on en trouve même dans les boutiques chinoises en France).
Cette semoule d’attiéké n’est en fait que l’accompagnement d’une « sauce » consommée surtout à l’heure du déjeuner. Elle a une saveur neutre, sèche et granuleuse qui se marie à peu près à tout et elle a le goût de l’accompagnement qu’on lui donne, cru ou cuit.
En français ivoirien, « sauce » ne signifie pas le petit accompagnement liquide d’un plat comme dans la cuisine française, mais le plat complet lui-même, incluant sauce, légumes et viande. Dans cette « sauce » on peut mettre au choix de la viande mais aussi du poulet, du poisson des crevettes,… On y joint des épinards ou du gombo pour lier la « sauce », ou des gros haricots rouges -cuits à part-, des champignons,....
De nombreuses manières de le consommer
Personnellement, à Abidjan, j’adore l’attiéké lorsqu’il se présente avec une sorte de salade de tomates, d’oignons et de piment frais haché, assaisonnée d’un peu d’huile et de cube maggi puis de poisson frais « braisé », c’est-à-dire passé sur un gril. Les ivoiriens ne mélangent jamais dans leur assiette l’attiéké et la sauce, la salade ou la viande et le poisson braisé. Ils ne font le mélange que cuiller après cuiller juste au moment de la mettre en bouche pour ne pas noyer et ramollir la semoule d’attiéké.
On accompagne le plus souvent cet attiéké là d’une bière Solibra, ou, si la sauce est bien pimentée, d’une bière encore plus grande et costaude surnommée la « 22 places » (en référence au nombre de places des gbakas, les transports collectifs).
Il y bien d’autres manières de consommer l’attiéké ivoirien par exemple avec une « sauce graine » à base de graines de palme, accompagnée de poisson, viande, crabe, gros escargots, champignons. Ou bien, en général le samedi, avec une « sauce claire » sans huile rouge, avec du poisson frais, du crabe, des tomates et des oignons. Parfois, on remplit sa cuiller d’attiéké, avant de la tremper dans une soupe d’aubergines amères.
Mais l’attiéké est aussi servi au petit déjeuner ivoirien sous la forme de « garba » (mélangé à du thon frit, des oignons et des tomates). C’est sa version la plus économique et populaire vendue sur tous les trottoirs d’Abidjan, une version qui peut même plaire à des palais occidentaux…. si elle n’est pas trop « hot ». Le plus surprenant dans cette histoire d'attiéké et selon des informations parues à Abidjan, le premier producteur mondial d'attiéké ne serait plus la Côte d'Ivoire, mais... la Chine ! Je ne sais pas si cette information est vérifiée et vérifiable, mais, de fait, quand on veut acheter de l'attiéké en France, il faut aller dans un magasin tenu par des chinois !