Lente remontée aux sources. J’ai d’abord été attiré par de superbes photos de qualité professionnelle, puis par les valeurs qu’affiche ce bloggeur atypique : « marcher, partager, méditer, découvrir ». Puis je me suis plongé dans la lecture de son récit en Inde. Le blog de Tanneguy Gaullier raconte une expérience, celle d’une randonnée de six mois et 2600 kms faite à pied en 2012 et 2013 pour remonter le fleuve sacré qu’est le Gange jusqu’à sa source. Et pour assister au Kumbha Mela, le plus grand pèlerinage du monde qui a lieu tous les douze ans. En parlant de sa marche il écrit : "L’effort procure l’émotion de la conquête et la lenteur ouvre la profondeur des choses". Comme les "renonçants" hindous, il se déleste de l’inutile de ses bagages au fur et à mesure de son avancée.
Ce voyage pèlerinage est une sorte de plongée dans le temps d’un pays "de démesure et d’intériorité" où les racines les plus profondes de l’histoire humaine sont visibles. Son récit me fait par moments penser à celui du pèlerin russe ou aux randonnées de Sylvain Tesson ou encore au blog Actisphère de Fred et Fanny. Tanneguy Gaullier aussi sait écrire, et son blog est davantage une sorte de livre électronique où l’on peut suivre son cheminement le long du Gange. Son texte est chargé d’anecdotes, de rencontres et de méditations. Tanneguy vit dans les villages, assiste aux cérémonies, s’émerveille de rencontres et de paysages et est souvent perçu comme un extraterrestre, ébahi par la religiosité stupéfiante des indiens. "L’homme n’a pas intérêt à changer de religion, mais doit approfondir les autres religions pour parfaire sa proximité de Dieu", lui dit-on dans un ashram.
Et ses photos et portraits sont parfois d’une hallucinante beauté. Pourtant il a choisi de ne photographier qu’avec parcimonie et il l’explique : "avec cet outil on est dans le prendre et dans l’avoir au lieu d’être dans l‘être et dans le ressenti (…) Je dors chez l’habitant, je mange comme eux, je vais à travers champs, je peine, je rencontre des gens qui n’ont jamais vu d’étrangers et je ne souhaite pas prélever leurs images dont je pourrais me glorifier à mon retour car je ne veux pas briser le charme de ces rencontres". Un sentiment que j’ai souvent moi-même ressenti et vécu lors de mes voyages.
Mon seul regret est que le blog de Tanneguy ne semble plus vivre depuis son retour. Il n’a repris la plume qu’en mars 2014 date à laquelle il est retourné en Inde pour découvrir la source du fleuve qu’il n’avait pas réussi à atteindre en 2013 : le parc qui protège cette source venait de fermer. Son récit est exceptionnel dans les zones les plus reculées de ce pays prodigieux et incomparable. J’imagine qu’il n’est pas rentré indemne d’un aussi long voyage et qu’il a encore des choses à partager.