Croisière policière. A l’heure où les voyages et le tourisme en Egypte sont en berne, un vieux film de presque 40 ans revu hier soir à la télévision a réveillé en moi l’envie de descendre le Nil, lentement au rythme d’un vapeur. Des croisières sont d’ailleurs toujours vendues (1) à bord du vapeur mythique construit au XIXème siècle, qui aurait inspiré Agatha Christie pour son roman "Mort sur le Nil" qu’elle écrivit en 1937 après y avoir fait une croisière. C’est sur ce même bateau appelé aujourd’hui Steam Ship Sudan qu’auraient été tournées certaines scènes du film éponyme réalisé en 1978.
Car beaucoup de romans policiers d’Agatha Christie font voyager. J’ai croisé son fantôme à de nombreuses reprises autour de la Méditerranée. Par exemple dans l’hôtel Old Cataract d’Assouan (aujourd’hui Sofitel) où commence l’histoire de "Mort sur le Nil", ou bien sur la côte ouest de Majorque aux Baléares où a été tourné "Mort au soleil" (tiré du roman "Les vacances d’Hercule Poirot") ou encore à Las Palmas de Gran Canaria où l’auteure anglaise aurait écrit "Miss Marple au club du mardi".
Dans "Mort sur le Nil" on est piégé par le génie et l’intrigue ingénieuse de la terrible Agatha Christie, contenus dans un espace et un temps limités, comme au théâtre ou dans le train du "Crime de l'Orient express". Tous les personnages qui entourent la victime deviennent des coupables possibles. L’histoire avance de suspicions en rebondissements, d’imbroglios en inattendus, et navigue entre les vrais et les faux sentiments, la vérité et les mensonges jusqu’au dénouement final livré par Hercule Poirot devant tous les suspects réunis. Sa logique est implacable.
40 ans plus tard, le film qui a été tiré du roman a été réalisé par l’anglais John Guillermin, entre autres spécialiste de Tarzan et King Kong ! Ce réalisateur a réuni une palette de bons acteurs au premier rang desquels l’imposant et brillant Peter Ustinov qui interprète le détective belge, mais aussi David Niven, Bette Davis, Mia Farrow et… Jane Birkin, très jeune à l’époque. Une distribution brillante qui crée une atmosphère d’une élégance racée conforme à celle que vivait Agatha Christie.
Surtout cette histoire de riches escrocs qui s’épient, se haïssent et même se tuent dans un si petit espace, se déroule au rythme lent des moteurs et des roues à aubes dont on perçoit les battements. Le bateau tout en bois, aux planchers craquants, mais cossu glisse sur l’eau entre les voiles des felouques et avance entre les berges verdoyantes du fleuve marquées, en arrière-plan, par d’immenses zones sableuses désertiques. C’est l’image du Nil que je garde. Celle de la vie sur le Nil.
Vu sur Arte lundi 4 janvier à 20 h 55
(1)Par le tour opérateur français Voyageurs du monde qui l’a racheté en piteux état, l’a restauré et y vend des croisières très sélectives.