Voyage dans l’art. Quand le soleil manque à Paris, je pense aux Canaries et spécialement à Lanzarote, une île volcanique sèche où la lumière est toujours intense. Le jour où j’ai pris cette photo, un gros nuage noir passait au-dessus du volcan en arrière-plan, mais le soleil illuminait le premier plan, ce qui faisait encore davantage ressortir le contraste entre le blanc des maisons et le noir de la terre volcanique, si particulier à cette île de Lanzarote.
J’ai saisi cet instant dans « le » musée de l’île, la Fondation César Manrique. C’était en réalité la maison d’un pur artiste du XXème siècle (1919-1992), de la génération Miro, Dali et Tapiès qui a fréquenté les peintres de son époque comme Andy Warhol. Ses bouillonnements et ses embrasements ont façonné son île natale. Une île pauvre au large des côtes de l’Afrique, chahutée par la lave de centaines de volcans assoupis. L’art de Manrique peintre avait percé à Madrid et Nelson Rockefeller l’avait invité à exposer à Houston et New York. Mais il avait préféré rentrer des Etats-Unis pour faire de sa terre désolée son laboratoire d’art utopique.
Peintre, mais de plus en plus architecte et sculpteur, il a réussi, grâce à sa notoriété et ses relations, à faire admettre des règles d’urbanisme propres à l’île : les maisons ne dépassent pas un ou deux étages et sont toutes blanches. Il a ainsi préservé Lanzarote du syndrome du bétonnage qui a grignoté les autres îles des Canaries. Dans ces paysages noirs et blancs ainsi préservés, il a laissé des lieux uniques comme Jameos del Agua creusé dans la lave, Mirador del Rio édifié sur une hauteur ou Jardin del cactus.
Sa maison qu’il a bâtie sur une coulée de lave (l’actuelle Fondation Manrique) est le résumé de ses visions créatrices. Ecologiste avant l’heure, il cherchait « l’art intégral » en jouant avec le blanc et les couleurs sur un paysage noir de jais. A la surface, il a composé des jardins. Sous terre, il a creusé des bulles et tubes volcaniques pour y installer ses salons. Le lieu est imprégné d’une atmosphère très zen.