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Break d’été en plein hiver au Cap (Afrique du sud) 2/5 Le Cap en haut et en bas

Chronique d’un long voyage éclair (suite). Enfin ! Notre première journée au Cap est tout de suite au top ! D’en haut, nous découvrons la ville sous le soleil, puis, en bas, nous plongeons dans son jazz bouillonnant, au milieu des townships. Le cafouillage du départ est déjà oublié. 

La ville du Cap vue de ma fenêtre du Westin avec en fond à gauche "the table mountain" et à droite "the lion's head"

Ville monde. Etonnante et unique la ville du Cap ! Cosmopolite par sa population et ses racines, africaine par sa géographie, européenne par son histoire, asiatique par ses échanges, américaine par son architecture, parente de l’Antarctique par les pingouins qui colonisent ses côtes… elle est moderne et trendy, combinant à la fois la mer et ses plages et la montagne, en offrant la douceur d’un climat méditerranéen en même temps qu'une flore et une faune uniques au monde… Enfin, nous la découvrons après les péripéties d'un départ cahotique  !  

Acte II pleins projecteurs sur Table Mountain

En sortant de l’avion au Cap, c’est comme si de puissants projecteurs s’allumaient brusquement. J’ai instantanément la sensation de débarquer en plein été : il fait plein soleil et le thermomètre affiche 32°. Je n’ai pas oublié ma crème solaire !  Comme lors de ma première visite, je découvre une ville américano-européenne dessinant une skyline de tours modernes, serrées comme dans une ville des Etats-Unis. Au centre de cette cité, j’ai l’impression d’être dans une sorte de Boston méditerranéenne. Le grand hôtel de verre, le Westin où nous déposons nos bagages, très business et stylé, confirme cette impression. Ma chambre est au 11ème étage. En ouvrant les rideaux, je vois deux montagnes qui se détachent derrière les tours et dominent la ville : « la tête de lion » en forme de cône, et l’immense « table », posée comme un plateau.

The Table Mountain précisément sera notre première visite. Pour grimper tout en haut il vaut mieux emprunter le « cable car », un téléphérique qui fonctionne depuis 1929. Trois minutes dans cette grosse boule vitrée capable d’emporter 65 passagers d’un coup suffisent pour dépasser les 1000 mètres d’altitude. Là-haut l’air est vif, mais nous avons de la chance, le soleil brille, nous sommes à l’aise, bras nus en polo. Table Mountain est, parait-il, très souvent enveloppée d’une chape de brume appelée « kaggen’s karos » qui sent l’air marin, poussée par les vents de la mer vers le sommet, et qui retombe ensuite sur la ville. Mais aujourd’hui  dame nature nous laisse une vue dégagée. Et j’en ai le souffle coupé.   

Vue plongeante sur la ville et le port du Cap depuis le sommet de "table mountain"

Quel spectacle du haut de ce rocher en grès six fois plus ancien que les roches de l’Himalaya ! Je ne m’attendais pas à un panorama à 360° aussi vertigineux et lumineux offrant une vue plongeante sur la ville et son port. « The Lion’s head » (la tête de lion) l’autre montagne, assise comme un sphinx à côté, et que je croyais élevée, paraît naine depuis ce belvédère. De l’autre côté, vers l’arrière, des successions de montagnes dégringolent vers la mer. Sur ce plateau, nous sommes entrés dans le royaume du « fynbos », un écosystème unique au monde par la diversité de sa faune et de sa flore. Un petit moment, je peux crapahuter sur les sentiers rocailleux de ce sommet peuplé de dassies (damans des rochers) que je n’apercevrai que furtivement. Je comprends que ce sommet ait été retenu comme une des sept nouvelles merveilles de la nature dans le monde (new7wonders)!

Nous trainons jusqu’au couchant, quand le panorama s’enflamme comme une toile de Monet, au milieu d’une foule cosmopolite, émerveillée qui multiplie les selfies dans toutes les directions. L’office du tourisme a réservé une surprise à notre groupe, un apéritif au champagne au bord de la falaise face à ce paysage grandiose et imprenable et dans la douceur d’un soleil déclinant. C’est une occasion de découvrir le « biltong » des lamelles de viande séchée et épicée que les sud-africains grignotent en apéritif. De curieux oiseaux noirs aux ailes bordées de rouge s’avancent subrepticement pour tenter de chiper ces morceaux de biltong.

Acte III concerts dans jazz city

J’ai sincèrement apprécié le choix des organisateurs de nous faire vivre, le soir même, un autre sommet, celui d’un jazz pur jus, au domicile des musiciens, dans les townships où ils habitent, plutôt que dans les clubs branchés du centre-ville. Il y en a de réputés au Cap !  Du temps de l’apartheid, les noirs et les « colored people » (métis) étaient parqués dans des townships, en alignements infinis de petites maisons basses. C’est dans la résistance à l’oppression qu’à partir des années 1950 la production jazz a explosé ici. A tel point que Le Cap, à la croisée des routes maritimes intercontinentales, est aujourd’hui considéré comme une des capitales mondiales du jazz. Et son jazz est un des jazz les plus métissés du monde. Et les frissons que je ressens ce soir-là m’en convainquent totalement.

Notre première étape est le quartier de Mitchell’s Plain qui était un township de métis durant l’apartheid. Nous sommes reçus au domicile de Hilton Schilder. Celui-ci, un peu indien par son visage et sa tenue, un peu baba-cool californien par ses cheveux tirés en queue de cheval, nous accueille chaleureusement. Nous partageons en famille le repas préparé par madame Schilder elle-même. Des plats de type indien, comme les racines de Hilton : breyani (poulet, riz, pommes de terre, oignons, épices,…) et dahl à base de lentilles. J’ai l’honneur d’être assis à côté de Hilton. Malgré sa modestie, il est un compositeur et musicien de jazz réputé au Cap. Il a déjà fait des tournées internationales et est passé en France. Il est bavard et me raconte l’histoire de sa famille. Lui, représente la 10ème génération de musiciens. Il sait jouer de 16 instruments mais son instrument fétiche c’est son piano avec lequel il fait corps.

D’ailleurs le piano est au bout de la table, un vieux piano ébréché, qui a bien vécu, magique quand on l’entendra. Hilton a juste à retourner sa chaise pour jouer. Aussitôt la salle à manger s’emplit d’une puissance musicale douce et paisible. Je crois entendre du classique au démarrage, puis des sonorités de Ravel, puis des tonalités free jazz, puis une source qui s’écoule d’un rocher, puis une méditation spirituelle, et même quelques balancements de piano rock entremêlés de pas zoulous…. Bref, pendant une heure Hilton embarque notre petit groupe ébahi dans un voyage sur tous les continents musicaux avec une façon unique de produire des rondeurs feutrées de son instrument. Le dernier morceau qu’il joue, « rebirth » (renaissance), il l’a composé au sortir de l’hôpital. Quand les infirmières lui ont retiré ses perfs, il raconte avoir vu un piano au plafond et entendu cette musique qu’il a aussitôt écrite. J’ai acheté son CD que j’écoute depuis mon retour, à chaque fois que j’éprouve le besoin de me relaxer. 

Concert au domicile de jazzmen réputés dans la township de Gugulethu

Deuxième étape de notre virée jazzie, le township de Gugulethu (« notre fierté » en langue xhosa), qui était auparavant réservé aux noirs. Là aussi, l’accueil de la famille est chaleureux dans une maison simple où les canapés ont été poussés pour ranger quelques chaises en plastique. Mais là, c’est une autre histoire ! Nous sommes tout de go emportés dans un balancement prodigieux !  Par trois papies du jazz, au swing puissant comme une locomotive. De grands maîtres ! Au clavier, le king de la soirée, Tete Mbambisa, bientôt 80 ans, sautille sur ses touches noires et blanches depuis l’âge de 11 ans. A la trompette, son neveu Blackey Thetempi, et, à la guitare basse, le beau-frère du trompettiste, Latch Mdingi. Mme Mbambisa est assise au milieu de nous, béate, comme chaque soir j’imagine.

La soirée commence pèpère avec des mélodies qui balancent cool, puis un peu plus, puis de plus en plus. Les notes cuivrées, retenues au départ, s’enfièvrent. Blackey s’agite toujours plus, secouant sa trompette plus haut et plus bas, obligé d’éponger son front avec sa serviette orange. Tete tape son pied chaussé d’une sandalette pour ne pas lâcher le rythme. Moi aussi d’ailleurs. Il laisse échapper des ondes de cris et de gloussements de plaisir en dodelinant sa tête au ras du clavier. Subrepticement le tempo s’emballe, les trois musiciens se passent la main de solo en solo, notre jam session s’échauffe, et Blackey finit par enlever la sourdine de sa trompette. La musique explose dans tout le quartier. Je suis téléporté dans les meilleurs clubs de jazz de Paris ou New York. Les musiciens du Cap ont un incroyable talent ! Cette journée n’est pourtant qu’un apéritif de ce qui nous attend !

A suivre :

Break d’été en plein hiver au Cap (Afrique du sud) 3/5 Le Cap plein sud

Break d’été en plein hiver au Cap (Afrique du sud) 4/5 Le Cap plein nord

Break d’été en plein hiver au Cap (Afrique du sud) 5/5 Retour et bilan

Coups de coeur: 

-          La splendeur du paysage qui m’a bluffé en haut de Table Mountain

-          Le niveau très international des musiciens de jazz qui nous ont reçus à leur domicile

Coups de griffe: 

-          Le cours de cuisine chez l’habitant manqué à cause du retard de l’avion d’Air France. Je suis resté sur ma faim

A voir absolument: 

-          Les sentiers pédestres du sommet de Table Mountain (Dassie walk et Agama walk) qui permettent d’approcher une faune et une flore uniques au monde (possible avec un guide)

-          Un City walk guidé, organisé dans les quartiers historiques du Cap pour mieux comprendre l’histoire, l’architecture, les musées et galeries de cette ville culturellement très active

-          Parmi les clubs de jazz réputés du Cap, The Crypt près de la cathédrale Saint Georges

Destinations concernées: