Le cœur battant de l’Afrique du Sud. Quand mon guide m'emmène dans cette rue de Soweto, le faubourg noir de Johannesburg, je suis surprise de découvrir une rue d’apparence ordinaire où je croise des élèves souriants en uniforme qui attendent leur bus, des ménagères se protégeant du soleil avec un parapluie, quelques marchands de souvenirs et des touristes marchant ici et là. Pourtant c’est dans cette même rue très exceptionnelle qu’ont vécu deux prix Nobel de la paix, Nelson Mandela et l’archevêque anglican Desmond Tutu, ce qui est absolument unique dans le monde. Ce lieu, qui est devenu le cœur vivant même du pays, est un des hauts lieux de mémoire dans ce pays si longtemps déchiré par l’apartheid et la violence.
Devant la maison de Mandela, au numéro 8115 Orlando ouest, les visiteurs, blancs comme noirs ou métis, font la queue pour se faire prendre en photo le poing levé comme l’avait fait Mandela au sortir de ses 27 ans de prison. L’intérieur n’est pas un palace, mais un petit musée montrant la modeste maison en briques et la simplicité dans laquelle y avait vécu avant son emprisonnement celui qui allait sauver son pays de la guerre civile. A quelques pas de là, la maison de Desmond Tutu, n’est pas ouverte, parce que cet autre apôtre de la réconciliation y vit toujours. On voit juste une plaque discrète sur le mur de sa maison.
Tout en haut de cette rue, un troisième lieu célèbre m’émeut profondément, le mémorial Hector Pieterson. Il rappelle un des épisodes les plus douloureux de l’apartheid. En 1976, le gouvernement blanc avait décidé d’imposer aux noirs l’Afrikaans, la langue des blancs dérivée du hollandais, à la place de l’anglais. Pour protester contre ce diktat qui les pénalisait, les élèves noirs avaient organisé une grande manifestation le 16 juin 1976... qui s'était terminée dans un bain de sang : la police avait tiré à balles réelles dans la foule des élèves sans défense. Plusieurs centaines d’entre eux sont morts. Le premier à être tombé, Hector Pieterson, 13 ans, est devenu l’icône de cette répression violente et brutale. Près de son mémorial, je croise des groupes d’élèves en uniformes, toujours pacifiques, qui fréquentent ce lieu hautement symbolique et se mêlent aux touristes blancs, noirs et métis.