La « Phrase » qui voyage et fait voyager. Elle court, elle court « la Phrase » à travers les rues de la vieille ville de Mons en Belgique. Je l’ai découverte en mettant le pied dessus par mégarde en descendant de ma voiture. Quelques mots peints sur les pavés ont attiré mon attention : « de la belle écriture,… », ai-je lu très intriguée. Puis j’ai tiré le fil de ce texte étrange en suivant cette interminable bande littéraire qui s’étirait, s’allongeait, traversait les rues, montait sur les trottoirs, escaladait les murs, grimpait autour des fenêtres… Un immense poème qui s’enchaine sous les pas et les roues, entre les couloirs de bus et les pistes cyclables, joue à saute-mouton sur le mobilier urbain, traverse la ville de part en part. La Phrase m’a poussée à un voyage dans cette ville inconnue et dans la littérature.
Car, renseignements pris, elle a été composée par une artiste locale Karelle Ménine, à partir de mots tirés d’auteurs de Mons, du Hainault et de la Belgique, mais aussi du monde entier, du moyen-âge à 1945. C’est une des installations artistiques éphémères posées dans la ville de Mons pour célébrer la « capitale européenne de la culture 2015 ». Dans cette phrase démesurée, j’ai ainsi retrouvé des stances de Verlaine. Le poète fut montois par accident… puisque après avoir tiré un coup de feu sur son ami Rimbaud, un jour qu’il était ivre, il rumina plus d'un an dans la prison de Mons au sein de laquelle quelques-uns de ses plus beaux poèmes furent conçus. Mais on y trouve aussi, assemblés à des paroles d’habitants et des mots extraits de correspondances ou d’archives, des fragments de Stefan Zweig, Victor Hugo ou Simone de Beauvoir,… pour ne citer que les plus connus.
J’ai donc traversé cette ville écrite, le nez en l’air pour découvrir ses bons mots sur ses belles façades ou piétiné ses pavés pour déchiffrer sur le sol ce poème qui ne manque pas d’air. J’étais partie pour visiter la ville, j’en ai fait la lecture. Jusqu’à ce que je tombe sur une curieuse roulotte, un vélo triporteur de facteur, l’atelier des artisans qui déroulent « la Phrase ». Car entre décembre 2014, date à laquelle la Phrase a commencé à se déployer de la gare de Mons, jusqu’à ce qu’elle y retourne à son point final en décembre 2015, elle doit parcourir en zigzaguant 10 kms et s’afficher sur plus de 500 maisons. Pour réaliser ce travail titanesque, l’artiste qui l’a créée s’est appuyée sur les services d’un graphiste signaléticien Ruedi Baur qui a conçu les caractères tous en majuscules et sur trois peintres qui l’étalent au pochoir ou collent une bande de vinyle au rythme de 40 mètres par jour. J’ai croisée une de ces artistes avec qui j’ai échangé quelques mots.
Cette Phrase m’a donc fait marcher par monts et par vaux dans la ville et au final, je suis restée sans voix devant ces mots de Mons… libres d’expression, éphémères, démesurés, libres comme l’air, … J’ai trouvé que ces jeux de mots passants étaient vraiment l’installation artistique la plus attrayante de cette capitale européenne de la culture qui m’a vraiment séduite. Mons c’est tout un poème, c’est pourquoi, je vous ai posté cette carte postale.
