Voyage intemporel. Dès que je m’éloigne des routes bitumées de la bordure côtière au Sénégal, j’entre dans le royaume du Sahel. Ses routes y sont cahotantes, terreuses, poussiéreuses et sableuses. Au début, je vois encore des myriades d’oiseaux fréquentant quelques "bolongs" comme on les appelle ici et qui sont des sortes de bras de mers salés. Puis, dès que je m’écarte de ces étendues d’eau plus ou moins éphémères j’entre dans un paysage jaune ou roux de sécheresse dominé ici et là par des baobabs géants qui tendent leurs bras millénaires et quelques rares arbres et arbustes, comme les acacias.
D’un village à l’autre, les habitants parcourent ces étendues qui semblent semi désertiques et infinies à nous occidentaux, à bord de petites carrioles à cheval trottinantes, les "sarrets" comme les gens disent ici. Un voyage hors du temps, sous une chaleur écrasante et une luminosité éblouissante, qui m’oblige à prendre mon temps au rythme indolent du mulet ou de cheval. De temps en temps passe un 4X4 venu d’un autre monde et qui soulève une longue traînée de poussière.
Des grands troupeaux de bœufs remuent aussi la poussière cherchant une nourriture improbable. La plupart appartient à des pasteurs nomades de l’ethnie des peuls, transhumant d’est en ouest ou du nord au sud selon la pluviométrie. Leurs troupeaux sont leur seule richesse. Mais certaines de ces vaches bossues et aux longues cornes pointues de la race Djakoré ont une maigreur incompréhensible pour un regard européen habitué aux vaches grasses des verts pâturages. Je croise aussi quelques paysans sédentaires de l’ethnie sérère qui reviennent de planter, malgré tout, du mil ou du sorgho et qui retournent vers leur village aux greniers coniques recouverts de paille, plein d’enfants joyeux. En dépit des apparences désertiques, la vie va.