Flânerie dans une forêt de statues. On m’avait parlé du parc Vigeland, incontournable au cœur de la ville d’Oslo. D’abord j’y ai croisé beaucoup de mamans promenant leurs bébés. Puis des jeunes enfants tenant la main de leurs grands-parents et des groupes de scolaires pique-niquant, courant et criant dans tous les sens. Des scènes ordinaires pour un parc de centre-ville ! Oui, mais j’ai vite compris l’étrangeté des 32 ha de ce joli parc très populaire qui est un incroyable musée en plein air. Il réunit plus de 200 sculptures d’un même artiste, emblématique de la Norvège, Gustav Vigeland.
A mon avis, ce sculpteur surprenant mériterait d’être davantage connu hors de Norvège, mais la quasi-totalité de ses œuvres restent concentrées dans ce seul lieu. Elles sont tout autour d’une grande fontaine et disséminées le long d’un grands axe et dans les jardins qu’il a dessinés et installés pendant 20 ans. Vigeland a ainsi mis en scène des légions de sculptures représentant toutes les générations de la vie. Ses personnages nus de tous âges, taillés dans un granit blanc-gris très fin, fondus dans du bronze ou dessinés en fer forgé représentent les réalités tendres, crues, naturelles ou cruelles de la vie. Comme celles des habitants qui fréquentent le parc. Leur nudité m’a donné des frissons dans le climat nordique de la Norvège, mais cette nudité donne à ces statues une évidence intemporelle.
Au centre du parc, se dresse un monolithe de 14 mètres de haut, pesant 140 tonnes et qui rassemble un amoncellement de 121 corps enchevêtrés, « propulsés vers un idéal », selon une des formules de Vigeland. Les arrondis de ses sculptures m’ont fait penser à celles de François Pompon que j’avais vues au musée d’Orsay à Paris ou encore aux personnages obèses et ballonnés du colombien Francisco Botero, du chinois Mu Boyan, ou à des scènes de l’autrichien Erwin Wurm.
Vigeland est en même temps d’un réalisme et d’une expressivité saisissants. Je l’ai éprouvé en particulier la statue en bronze d’un enfant tenant la main de son grand-père et surtout d’un petit garçon en colère (une œuvre renommée connue sous le nom de « Sinnataggen » en norvégien). Personne ne peut rester indifférent devant tant de vérité ! Mais il a réuni beaucoup d’autres sculptures devenues célèbres comme les grilles monumentales de l’entrée principale, les géants de la fontaine entourant le monolithe ou des sculptures en bronze sylvestres ou des bas-reliefs. Les hommes-arbres énigmatiques et déconcertants laissent la porte ouverte à toutes les interprétations. Un paradis pour les psys. Ce sculpteur, qui avait assisté aux cours de Rodin à Paris, s’est tellement assimilé et fondu dans son parc que les norvégiens ont nommé ce grand jardin public « Vigelandsanlegget » (« installation de Vigeland » en français). A voir absolument !
