Le jardin coloriage. En découvrant ce jardin en périphérie de la Médina de Marrakech au Maroc, j’ai eu l’impression d’entrer dans un album de coloriage, composé de couleurs vives et tranchantes, parsemées au milieu de la végétation. Je ne connaissais pas le peintre français Jacques Majorelle qui avait créé ce jardin en 1931. J’ai trouvé que ce peintre voyageur, qu’on pourrait appeler orientaliste et africaniste, avait parcouru l’Egypte, l’Afrique du Nord et l’Afrique Noire et notamment publié le « Carnet de route d’un peintre dans l’Atlas et l’Anti-Atlas » Au Maroc où il s’était installé, il avait apporté des couleurs chamarrées dans ce jardin botanique et sur des constructions inspirées à la fois du style mauresque et de l’architecture cubiste d’avant-garde de son époque.
Majorelle avait créé lui-même une couleur « bleu Majorelle » un peu outremer et un peu cobalt, éclatant et lumineux, qui imprègne toujours son jardin botanique entre les plantes rares qu’il avait rapportées de ses voyages. Il y a ajouté des jaunes et des orangés tonitruants, peut-être inspirés de Matisse. Ce paisible jardin bariolé, aimé des touristes, est un jardin photogénique par excellence. Les bassins, fontaines, les jarres, les pots et abris de jardins injectent leurs couleurs dans la nature entre les cactus, les palmiers, les nénuphars et les bougainvilliers, composant un œuvre unique, comme un livre d’images grandeur nature.
En 1980, 18 ans après la mort de Majorelle, le jardin à l’état d’abandon a été racheté par Yves Saint Laurent et Pierre Bergé qui l’ont remis en état et ouvert au public. L’atelier de Majorelle a alors été transformé en « musée berbère ». Puis Yves Saint Laurent est décédé et ses cendres ont été dispersées dans la roseraie de ce jardin qui appartient aujourd’hui à la Fondation Pierre Bergé. L’inspiration d’Yves Saint-Laurent hante encore le lieu puisqu’on y voit une exposition des cartes de vœux qu’il avait créées et dont les vifs coloris ont une évidente filiation avec la palette de Majorelle. J’ai passé un moment détendu dans cette polychromie horticole.