Voyage dans le temps. C’était enfoui au fond des racines de ma mémoire : les innombrables îles de l’Indonésie et leur capitale Jakarta rejoignaient mon imaginaire d’occidental rêvant d’extrême orient. A Jakarta, j’ai donc été heureux d’entrer dans le Musée National pour une visite trop rapide me permettant tout juste de humer la richesse historique et culturelle de cet immense patchwork d’îles. Un premier musée avait été construit ici au début du XIXème siècle par Thomas Stamford Raffles, celui-là même qui fonda Singapour et fut un temps gouverneur de Java pendant un bref intermède britannique. L’actuel bâtiment, archi néoclassique, date de 1868.
En remontant plus loin en arrière et en lisant Marco Polo et Ibn Battuta j’ai compris que Java se situait au bout du bout de leurs pérégrinations les plus lointaines. Le premier avait navigué dans ses parages vers 1291 et le second aborda l’île qu’il appelait « Mul Jâwa » probablement en 1346. Il en évalue la longueur à "deux mois de marche". Il explique que dans cette île "peuplée d’idolâtres", on y cultive "des espèces aromatiques et de l’aloès excellent" et que c’est là que l’on produit le plus de benjoin, camphre, girofle et aloès. L’île était donc dès cette époque déjà très riche de ses échanges, avec la Chine notamment.
En parcourant ce Musée National, j’ai vu que l’histoire des royaumes et civilisations de Java et d’Indonésie (17 000 îles) étaient exceptionnellement riches et enchevêtrés depuis la préhistoire : des couches et strates de civilisations et d’ethnies qui s’affrontent, se conquièrent, naissent, s’étendent et disparaissent avec des bases religieuses hindouistes et bouddhistes, puis musulmanes et chrétiennes qui se croisent, sans doute encore plus byzantines que dans notre Europe antique et médiévale. Ce musée est riche d’une statuaire, de costumes et de masques étonnants. Les indonésiens l’appellent "maison de l’éléphant" à cause d’un énorme bronze d’éléphant qui trône devant l’entrée, offert par un roi de Thaïlande. Le Musée par les richesses qui y sont préservées est d'ailleurs culturellement éléphantesque.