Voyage au pays d’une extravagante inventivité. Pour ceux qui ont peur de voyager en Afrique noire, l’Afrique noire vient à eux. Et quelle Afrique ! Une Afrique vivante, pétillante, chamarrée, burlesque, parodique. Car en République démocratique du Congo, l’ex Zaïre, l’art contemporain est un brasier flamboyant, que ce soit la musique, la photographie, la couture ou la peinture. La Fondation Cartier à Paris a invité les plus affriolants de ces artistes qui se trouvent donc à deux pas et non plus à huit heures d’avion.
J’y découvre un autre continent artistique qui a échappé aux repères mentaux imposés par l’Occident lesquels ont craqué dans cet immense pays, repère de créativité qui s’étend sur près de 5 fois la superficie de la France. C’est un peu le monde à l’envers comme l’a représenté Chéri Samba sur une de ses peintures. Chez ces artistes populaires, sans aucune gêne, tout est bariolé, joyeux presque carnavalesque. Ils ne prennent que ce qui leur plait dans la civilisation de leurs anciens colons.
Je ne résiste pas à l’éblouissement devant les grandes toiles figuratives de Chéri Samba, Chéri Chérin, Moke ou JP Mika. Ce sont des œuvres resplendissantes, aguichantes, festives ou hilares comme celle de JP Mika qui sert d’affiche à l’exposition. Elles se concentrent sur le concret, l’urbain, la fête, la sape, la politique,….
Ils ne sont pas enserrés dans le corset des beaux-arts mais ont créé leur bel art. Celui-ci navigue entre hyper réalisme, caricature, naïveté et autodérision, pour offrir un feu d’artifice visuel comme un trois étoiles au Michelin offre une explosion en bouche. Les jeunes générations divergent aujourd’hui en une floraison d’écoles.
Si la peinture domine l’exposition, elle se mêle aussi à des sculptures de maquettes urbaines, des photographies, des musiques, du cinéma, des bandes dessinées,… L’osmose est évidente avec la Société des ambianceurs et des personnes élégantes (Sape), avec les nuits kinoises chaudes, festives et arrosées de Skol et Primus, les bières locales. Je rêve que l’art occidental soit aussi jouissif. A Kinshasa, les guitares n’ont pas la même sonorité, les couleurs le même éclat ni la sape la même allure. Et tout le monde danse.
Exposition "Beauté Congo 1926-2015 Congo Kitoko". Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261, boulevard Raspail 75014 Paris jusqu’au 15 novembre 2015. Programme de « soirées nomades » en live.