Zig-zags et bric-à-brac. Ce titre "Voyages et paysages" de Michel Tournier m’a sauté aux yeux dans une librairie, peu après le décès de cet auteur en janvier dernier. Pensez donc un prix Goncourt, lui-même longtemps juré du Goncourt, souvent considéré comme nobélisable, auteur de romans diffusés à des millions d’exemplaires, que Mitterrand président était allé lui-même visiter chez lui… ! Un analyste, penseur et repenseur des mythes et de l’histoire, philosophe, germaniste éminent, à l’écriture limpide, lu dans toutes les écoles,… ! Un superbe voyage m’était promis.
Hélas, j’ai été assez déçu. En réalité, cet ouvrage est une collecte d’extraits de Michel Tournier, choisis et mis en forme par une universitaire, Arlette Bouloumié qui apporte elle-même beaucoup de matière pour essayer de faire du liant. Ce n’est pas un récit de voyage(s) mais un patchwork de textes disparates, inégaux, hétérogènes, sans véritable fil rouge, avec le seul point commun le fait que ces textes soient en rapport avec des lieux ou Michel Tournier est passé. J’ai sans cesse eu l’impression de passer du coq à l’âne. De plus, c’est davantage un livre d’histoire qu’un livre de voyages.
La première partie, c’est-à-dire à peu près la moitié de l’ouvrage est un voyage dans ses lieux du passé de Michel Tournier, en France et en Allemagne (Allemagne de l’ouest, de l’est et même sur les traces de la Prusse orientale en Pologne et à Kaliningrad, ex Königsberg, en Russie), beaucoup concernant la période de la dernière guerre mondiale. Ses textes sont intéressants, bien écrits, mais j’attendais autre chose en voyant la couverture montrant une femme africaine avec un bébé sur le dos. Cette photo n’est pas du tout représentative du contenu. En fait d’Afrique, Michel Tournier ne parle à peu près que d’Afrique du nord et consacre moins de 15 pages (sur 400) à l’Afrique noire.
Le reste du temps, les textes rassemblés montrent ses jolis traits de plume, par exemple dans les villes qu’il aime comme Tanger ou Marrakech. Mais quand il n’aime pas il devient méprisant (comme au Mont Athos en Grèce où son accueil n’a pas été à la hauteur de ce qu’il attendait) ou à Tallin en Estonie où les deux pages rapportées sont creuses. Michel Tournier fréquente beaucoup l’intelligentsia dans ses voyages. On a l’impression qu’il est partout reçu par des consuls, des ambassadeurs ou des directeurs de l’Alliance française. Et les mondanités extraites de son "journal extime" sont, de ce point de vue, souvent agaçantes. Plutôt que ce livre bric-à-brac, je préfère lire directement les grands classiques de Michel Tournier comme "Vendredi ou les limbes du Pacifique", "Le roi des aulnes" ou "Les Météores".
"Voyages et paysages" de Michel Tournier, Gallimard 2010, collection poche Folio