Art universel. J’ai emprunté ce splendide escalier à double hélice (les gens qui montent ne peuvent pas croiser ceux qui descendent) éclairé par un puits de lumière tombant d’une verrière en dôme. Il est l’icône des Musées du Vatican dont il sert de sortie. Il est en même temps la dernière merveille de ces musées. Mais d’abord, j’ai bien cru que je n’entrerais jamais dans ces musées dont l’entrée est à l’arrière de la Cité du Vatican. J’avais fait l’erreur de ne pas prendre de réservation par le web et la queue pour l’achat des billets s’étendait sur près de 1km autour de l’enceinte de ce minuscule Etat au cœur de la ville de Rome. Il tombait des hallebardes et j’ai dû acheter un parapluie à un petit vendeur que j’ai béni, puis patienter pendant des heures, trempé malgré tous mes efforts. Plusieurs fois, j’ai failli abandonner, mais je n’ai pas regretté d’avoir persévéré jusqu’au bout.
On parle « des » musées du Vatican, car il y en plus d’une dizaine qui, depuis le XVIème siècle, se sont emboîtés et encastrés les uns dans les autres, jusqu’à la chapelle Sixtine qui en fait partie. Au fils des siècles, des achats de papes éclairés ou des dons ont fait grandir ces palais de l’art universel qui dépasse les époques ou les croyances. Dans ce dédale, il y a 7 kms de couloirs à parcourir et 200 000 œuvres à regarder… Evidemment, mes yeux ont glissé sur la plupart d’entre elles et, bousculé par la foule, je n’ai fait que suivre mon émotion pour m’arrêter devant tel ou tel joyau.
Par exemple, comme la plupart des visiteurs, j’ai fait une pause devant le fameux « groupe de Laocoon » : trois personnages attaqués et enchevêtrés par des serpents. L’étonnant de cette œuvre très païenne mais toute en puissance est qu’elle aurait été sculptée au 1er ou IIème siècle avant JC dans un seul bloc de marbre de près de 2,5 m de haut pour raconter une scène décrite dans l’Odyssée de Homère.
Or, c’est précisément cette grande statue qui fut le point de départ des musées du Vatican. Découverte dans le champ d’un paysan romain en 1506, elle fut achetée par le pape Jules II qui l’a placée près d’un pavillon à l’arrière du Vatican, le palais du Belvédère. Ce sera le noyau initial des musées du Vatican. Jules II était plutôt un chef d’Etat machiavélique, belliqueux, peu porté sur la sainteté et on peut dire que son comportement indigne fut un des déclencheurs de la Réforme protestante. Mais cet amateur d’arts commanda les fresques de la chapelle Sixtine à Michel-Ange, créa la garde suisse et posa la première pierre de la basilique Saint Pierre de Rome.
Les musées du Vatican sont un hyper concentré d’art dans une des plus grandes villes d’art du monde. Mais leur visite n’est pas spécialement édifiante pour un croyant. Heureusement la papauté qui prône aujourd’hui « une Eglise pauvre pour les pauvres » a évolué. Cette visite révèle plutôt des pans de l’histoire de l’humanité et de l’histoire de l’art. Un art universel collecté par une Eglise universelle (sens du mot « catholique »). Mais je dois dire que sa richesse m’a fait tourner la tête comme l’escalier hélicoïdal. J’ai eu la même impression de trop plein qu’au Louvre, au Musée des Offices à Florence ou à l’Ermitage de Saint Petersbourg, mais en beaucoup plus tassé. Ces musées du Vatican sont trop foisonnants pour ne pas y perdre son latin. Je me suis donc promis d’y revenir en me préparant à ce que j’irai y chercher, avec si possible l’éclairage d’un guide, pour retomber en état de grâce.