Grand écran nature. Dès le premier regard depuis la terrasse de notre chambre, je suis immédiatement saisi par une vision panoramique stupéfiante. « Lanjia », m’explique tout de suite le responsable de ce lodge de la montagne thaïlandaise, signifie « paisible » en Hmong, l’ethnie principale du village de Kiew Karn où ce voyage nous a conduits, près de Chiang Khong. « Paisible », jamais un lieu n’a aussi bien mérité son nom !
Après l’effervescence des villes de Bangkok, puis de Chiang Mai et enfin de Chiang Rai, une impression de paix et de relaxation nous envahit ma femme et moi. La beauté et la profondeur du paysage nous suffisent. Nous oublions le confort très simple du lieu, sans climatisation, ni télévision, ni Internet. Nous n’en avons pas besoin.
La vue est plongeante sur les montagnes verdoyantes de ce grand nord thaïlandais à environ 900 kms de Bangkok. Le deuxième plan de cet écran géant est une boucle du grandiose fleuve Mékong. Le troisième plan, au-delà du Mékong, est une succession de chaînes montagneuses du Laos, un pays qui commence juste après le fleuve. Nous sommes près de l’endroit où se rejoignent les frontières du Myanmar (Birmanie), du Laos et de la Thaïlande, dans la région du « Triangle d’or », surnommée ainsi parce qu’elle fut pendant des décennies le paradis de la culture de l’opium, longtemps dangereuse pour des étrangers. Aujourd’hui, la culture de l’opium a été éradiquée du nord Thaïlandais.
De notre balcon imprenable du Lanjia Lodge, nous n’entendons que des crissements d’insectes, des chants d’oiseaux et quelques cocoricos montant des fermes du voisinage et du village de Muang Kran en contrebas à droite au bord du fleuve. Les montagnes sont mi boisées, mi cultivées. Jusqu’à la nuit tombante nous nous délectons de ce panorama « dramatic » comme disent les anglophones, dans le sens de « spectaculaire ». Nous y sommes encore à la tombée de la nuit quand le ciel prend une teinte de bleu électrique, puis s’assombrit en bleu saphir. A notre réveil, dès les premiers rougeoiements du ciel, une couverture de nuages cotonneux recouvre le fond de la vallée avant de se lever doucement pour en redécouvrir les merveilles.
Le Lanjia Lodge est un petit établissement fondu dans le décor et logé dans un jardin de fleurs et de plants de citronnelle descendant à flanc de montagne. Il ne comprend que quatre maisonnettes traditionnelles de quatre chambres chacune, toutes en bois et recouvertes de paille avec des murs et des planchers souples et tressés où l’on prend plaisir à marcher pieds nus.
Le personnel glisse et apporte silencieusement sur les tables de bambous de la terrasse des plats préparés sur place avec les produits du paysage par des employés du village. C’est sur la même terrasse qu’ils proposent de rudes massages thaïs qui finissent de chasser de nous les ultimes tensions qui auraient pu résister. Une seule réserve sur ce lieu paradisiaque : je ne comprends pas pourquoi une moitié des chambres ont été construites en tournant le dos à ce tableau exceptionnel.