Voyage en Louisiane cajun et en Haïti vaudou. Cette BD est le sixième tome de la série de François Bourgeon, "Les Passagers du vent". Cette saga épique remontant aux époques coloniales et esclavagistes avait commencé au Dahomey, l’actuel Bénin, puis fait traverser l’Atlantique sur un navire négrier et débarquer à Saint Domingue. Elle a connu un énorme succès de librairie à cause de son dessin et de son scénario précis et réalistes. Ce 6ème tome sorti en 2009 nous fait entrer en Amérique. Comme à chaque fois, je me suis laissé embarquer dans cette équipée.
Ce tome, qui part des bords du Mississipi, est centré sur une jeune femme "créole" (dans le sens "blanche née en Louisiane"), Miss Zabo (pour Isabeau). Nous sommes en plein contexte d’esclavage et de sanglante guerre de sécession qui oppose le nord et le sud des Etats-Unis. On y croise des personnages odieux et caricaturaux. Les héros effectuent de longues randonnées à cheval dans la touffeur insalubre des canicules louisianaises, au milieu de grandioses paysages de marais et de bayous.
Zabo a une gueule sympa mais elle est à la fois casse-cou et casse-couilles. Cette malapprise lâche, dans sa langue acadienne, des jurons pour un oui ou pour un non. Cette aventurière, habillée en garçon, au regard insolent, limite rigolard, n’a pas froid aux yeux et affiche un toupet monstre. Elle se fait par exemple l’assistante d’un reporter de guerre français pour entrer dans le camp des nordistes.
Le dessin et les détails historiques que Bourgeon affectionne nous font entrer dans l'époque de son récit, visiter les grandes habitations su cœur des grandes plantations, frémir dans les paysages effrayants des bayous,… que ce soit à travers les plans larges de ses paysages ou à travers les plans serrés des visages, jusqu’à sentir les mimiques de ses personnages.
Tout est dans la force de l’image. Les textes et dialogues de ce maître de la BD sont souvent minimalistes et il faut parfois deviner un scénario compliqué si l’on n’a pas lu les tomes précédents. Et se référer à l’Histoire avec une grand « H » à laquelle Bourgeon fait souvent allusion. Les pauses de ses héros sont l’occasion de bribes de discussions historiques, philosophiques, sociologiques,… "La guerre fait de nous des monstres", reconnaît par exemple l’un de ses personnages.
Je ne vous raconte pas la dernière partie du livre qui nous embringue dans les étrangetés d'un voudou haïtien effrayant. En même temps, elles nous ramène dans le passé … au côté de l’héroïne des premiers tomes, Isa. Je vous laisse découvrir comment. En sachant que le mot "bois-caïman" est une référence au lieu du début soulèvement des Haïtiens contre l’esclavage. C'est en même temps un retour au vaudou dahoméen du début de la série des "Passagers du vent". Une nouvelle fois, cette BD a été pour moi un voyage dans l’histoire, dans des paysages lointains, porté par une intrigue d’un réalisme dur et cru qui sait faire rebondir les péripéties et les surprises.
"La petite fille bois-caïman, livre 1" de François Bourgeon, tome 6 de "Les passagers du vent", éditions 12bis, 2009