« Il voyag' en solitaire Et nul ne l'oblilg' à se taire, Il chante la terre » : ces paroles toutes simples écrites par Gérard Manset en 1973 ont été un immense succès populaire dès 1975 (300 000 exemplaires rapidement vendus en 45 tours), comme une espèce d’hymne un peu imprécis à la route ou à l’ailleurs, une mélodie de routard libre. Certains globe-trotteurs du XXIème siècle s’y reconnaissent toujours. Il y a un peu du « i'm a poor lonesome cowboy » de Lucky Luke.
De très nombreux interprètes l’on reprise comme Hervé Vilard, Florent Pagny, Cheb Mami ou Alain Bashung,... On l’entend parfois spontanément sifflotée et elle reste souvent utilisée dans les sonneries téléphoniques ! Les plus anciens routards ont peut-être gardé dans leur grenier la pochette du vieux vinyle où l’on voit le chanteur seul de dos sur les quais de la gare Saint Lazare.
Il faut dire, pour expliquer ce succès qui dure, que la mélodie était portée à l’origine par la voix un peu mélancolique de Gérard Manset qui s’envolait comme dans un rêve et par quelques petites notes claires et sautillantes martelées au piano. Quarante ans plus tard, le même Gérard Manset a reconnu dans une interview à Télérama, « Je n’aurais jamais imaginé que cette chanson serait imperméable au temps. »
Il ajoute « C’est peut-être une des seules, populaires, intelligibles de prime abord, qui résume aussi bien le parcours d’un artiste. Il y a des succès que certains traînent comme un boulet toute leur vie ; moi, il m’accompagne ». De fait Gérard Manset est devenu par la suite un grand voyageur : « Chaque fois que je marchais, en Inde ou au Nicaragua, je me disais que le panorama, la colline, le bosquet au bout de la route cachaient quelque chose que je voulais découvrir ».
Pourtant Gérard Manset admet les limites de sa chansonnette : « ces paroles, dit-il lui-même, sont tellement bêtes et gentilles en même temps. Tout le monde peut pondre et chanter « Il voyage en solitaire ». Il n’empêche que sa chanson, pour tous voyageurs ou non, est déjà un voyage en elle-même. Il reprend d’ailleurs en partie le voyage sous le titre « no man’s land motel » dans son album de 2014 « Un oiseau s’est posé ».