Aventures dans le Pacifique sud. Michel Tournier, dans sa préface, qualifie Jack London de « nomade frénétique ». C’est vrai qu’il avait été, sous toutes sortes de latitudes, blanchisseur, chercheur d’or, chasseur de phoques, agriculteur, boxeur, meneur de chiens de traîneau, photographe, reporter et… marin. J’avais lu de lui quelques livres racontant des aventures dans les terres glacées (Croc Blanc, L’appel de la forêt, Le Klondike,…). Cette fois il m’a fait naviguer dans la torpeur tropicale, à l’époque coloniale, entre les confettis du Pacifique Sud ceinturés de récifs de corail, comme Robert-Louis Stevenson.
Son voyage agité à bord de schooners, de cotres ou de ketchs, se passe au croisement d’un monde de brutes, moitié pirates moitié colons. Il s’identifie aux traits de son personnage prétexte, David Grief, un « anglais pur sang », « dandy de la bourlingue », « né pour vivre au soleil » et qui a fait fortune à coup de risques, d’aventures de haut vol, de coups pendables et d’exploitation des terres et des habitants des îles. Il prend la vie comme une partie de cartes. Ce shérif des mers n’hésite jamais à jouer du poing ou du pistolet.
Il est évident que Jack London est admiratif devant ce vagabond des mers du sud, certainement un peu lui-même. Le style de London est vif et, à travers les huit nouvelles de ce livre, il fait plonger, en parcourant de long en large le Pacifique, dans des scènes époustouflantes, subir un ouragan hallucinant, ou vivre des épisodes haletants….
On sent sa passion et son expérience pour la mer et les bateaux, comme en témoignent de belles formules comme « le rugissement alangui des brisants » ou des descriptions beaucoup plus initiées : « ses focs commencèrent à faseyer et les garcettes des ris claquèrent contre la toile »… Son bonheur à décrire la navigation est évident à presque toutes les pages : Le Wonder (nom du schooner bien nommé de son héros) « montait et descendait paresseusement sur une houle transparente comme du cristal, poussé çà et là par des risées venant de l’arrière »…
En revanche certaines pages de London ont cassé tout mon plaisir à le lire. Celles d’un irrépressible vieux fond raciste qui émerge dans de malheureuses formules : « une douzaine de noirs n’abattaient pas plus de travail qu’un seul blanc » ou encore « il était prédisposé à l’alcool, comme le sont ordinairement les sauvages. » Celui que se disait pourtant socialiste militant a hélas trop souvent montré ce sombre penchant.
Editions Phébus/ Libretto