Les voyageurs qui créent la mode. La "mode française"est arrivée en France du monde entier par petites doses. Comme la France elle-même, sa mode, célébrée dans le monde entier, s’est construite petit à petit, à partir d’apports multiples. Sa créativité intrinsèque a été dopée par sa diversité. C’est une évidence qui m’a sauté aux yeux dans l’exposition "Fashion Mix, mode d’ici, créateurs d’ailleurs"présentée au Musée de l’immigration de la Porte Dorée à Paris.
En effet ce sont des immigrants en grande partie qui, depuis le XIXème siècle, ont fait de Paris la « capitale internationale de la mode ». Ces immigrants ont été ou sont anglais (comme Worth, Galliano ), irlandais (Molyneux), allemands (Gustave Beer, Lagerfeld), hollandais (Charles Montaigne), belges (Drecoll, Martin Margiela), italiens (Mariano Fortuny, Elsa Schiaparelli, Riccardo Tisci), polonais (Lola Prusac), russes (Gontcharova), américains (Marc Jacobs, Mainbocher), espagnols (Cristobal Balenciaga, Paco Rabane, Sybilla), hongrois (de Karolyi), suisses (Robert Piguet), juifs (Albert Elbaz), Grec d’Alexandrie (Jean Dessès), japonais (Issey Miyake, Yohji Yamamoto), indiens (Manish Arora), tunisiens (Azzedine Alaïa), etc, etc,… ou de pur métis culturels comme Haider Ackermann. Il n’y manque les artistes d’Afrique Noire. Ceux-ci ont le savoir-faire et la créativité dans les ateliers d’Abidjan ou de Dakar, mais pas encore la reconnaissance à Paris.
Tous ces voyageurs ont apporté en France un peu de leurs racines culturelles et de leur singularité, les uns sous forme de drapés, d’autres de fronces et de plissures de collerettes, d’autres encore de couleurs, de tissages, de textures, de formes, d’allures, ou de styles nouveaux,… parfois de manière provoquante. A chaque fois qu’une nouvelle vague est arrivée, elle a bousculé et dérangé les créateurs en place et les commentateurs. Exactement comme les nouveaux artistes qui entrent en peinture, en sculpture ou en littérature. Ainsi un critique a crié au "post atomique" à propos des couturiers japonais !
Dans cette expo à la fois froufroutante et détonante, 120 modèles tirés du Musée Galliera montrent un foisonnement créatif cosmopolite et éblouissant qui a fait de Paris le laboratoire mondial de la mode. Une mode non pas en patchwork où chacun se côtoierait dans sa bulle, mais une mode métisse, mélangée, une fashion mix, se réinventant tous les jours sous des influences réciproques et croisées. Ce sont en quelque sorte des voyages et des voyageurs qui inventent et réinventent, tissent et retissent la mode. Comme la France et le monde.
Musée de l’histoire de l’immigration, Palais de la Porte Dorée 293, avenue Daumesnil 75012 Paris jusqu’au 31 mai 2015