Film voyage aux racines du jazz. J’avais été très touché par cette histoire d’un voyage en Guinée qui a transformé des adolescents français. Les élèves français du lycée de Marciac dans le Gers apparaissent au début du film dans une bulle privilégiée et sans problèmes, mais studieuse, scolaire et un peu grise. Leur établissement est unique en Europe car il leur offre une option jazz. Marciac n’est pas une bourgade ordinaire puisque s’y tient chaque année un festival qui a acquis une notoriété internationale « Jazz in Marciac » où tous les plus grands noms du jazz mondial ont défilé.
Mais un événement va bouleverser la scolarité tranquille de ces enfants sages et gâtés. Leur directeur a décidé d’inviter en résidence temporaire dans leur établissement de Marciac un groupe de musique traditionnelle africaine assez jazzy de Guinée Conakry, Fölifö. Ce ne sont pas n’importe quels musiciens puisque tous ont été d’anciens élèves de Momo Wandel Soumah, un des plus grands noms du jazz africain, reconnu mondialement et décédé quelques années plus tôt. Puis les élèves français vont à leur tour rendre visite aux musiciens guinéens dans leur pays. C’est cet échange déroutant que le réalisateur Laurent Chevalier a choisi de suivre au nord, puis au sud et qu’en tant que voyageur en Afrique je souhaite rapporter.
Dès leur première rencontre avec les artistes africains, les petits blancs écarquillent leurs yeux devant les méthodes de réglage des instruments traditionnels africains, comme le bolon ou le balafon. Un jeune français avoue devant ces grands professionnels et ces professeurs patients et souriants : « ils nous forcent le respect. Ils construisent eux-mêmes leurs instruments avec ce qu’ils trouvent dans la nature. Nous on est stressés et dans le doute. Eux, il leur suffit de peu de chose pour être dans le vrai». Surtout ce qui va émerveiller les jeunes français est la joie communicative de ces musiciens qui mettent la fête dans le lycée.
Ces professeurs africains vont conduire les petits français jusqu’à participer à leurs côtés à leur prestation sur scène lors du Festival de Marciac. « J’avais le tract de jouer avec eux parce que je savais qu’ils assuraient » explique un jeune français. Mais les élèves sont passés du jazz appris au jazz vécu et le « concert spectacle » auquel ils participent est un vrai bonheur.
L’année suivante, quand les jeunes lycéens français débarquent à Conakry, on se demande s’ils vont tenir le choc culturel. J’ai vécu la même histoire lorsque j’ai emmené mes enfants en Afrique. Les jeunes français ont tout à réapprendre mais ils sont très vite plongés dans le bain de la nouveauté, depuis la nourriture, jusqu’à la polygamie et la pauvreté, mais surtout la gentillesse,... « On nous accueille à bras ouverts. On pourra transmettre ce fabuleux message qu’il faut être ouverts », dit l’un d’eux.
Petit à petit, on les voit se transformer musicalement, mais surtout humainement, entrer dans la fabuleuse rythmique, et la fête, taper sur un djembé jusqu’à en avoir mal aux mains. Une des filles entre dans la danse des femmes africaines et avoue : « j’aurais pu me lâcher un peu plus ».
Ils sont reçus par la veuve de Momo Wandel qui leur offre le privilège de souffler dans le saxo endormi du maître et qui finit par leur dire : « Que Dieu les aide, ils sont devenus mes enfants ». Si par miracle, ce film de 2009 revenait en salle, précipitez-vous pour le voir et si vous avez des enfants, emmenez les. Vous comprendrez à quel point la rencontre et le voyage qui la provoque peuvent changer des personnes.
Laurent Chevallier a aussi réalisé en 2007 un fabuleux portrait du jazzman Momo Wendel, « Momo le doyen ». A ne pas manquer également.