Envoyé spécial en vacances

Paradoxes des voyages et vacances. Le magazine "Envoyé spécial" de France 2 ne prend pas de vacances. Car dans sa version été, il radiographie et dissèque nos vacances. J’ai regardé l’édition de jeudi soir 21 juillet qui a exploré successivement trois sujets : les labels de tourisme en France, la destination branchée d’Oman, et les métiers météo sensibles. Ce dernier sujet m’a moins intéressé mais j’ai bien aimé l’esprit critique de ses reporters sur les deux autres reportages, même en vacances. Je préfère les émissions qui dérangent aux émissions brosse à reluire.

La question des labels est vraiment un phénomène propre au  tourisme français. Ils pullulent et on ne s’y retrouve plus. Dans cette jungle, Envoyé spécial été a pesé le pour et le contre. Il s’est penché sur l’un des labels les plus connus, "les plus beaux villages de France". Ce nom stimule les touristes japonais qui en raffolent. Pour eux, c’est l’équivalent d’une grande marque. C’est donc bon pour les 153 villages sélectionnés qui voient leur fréquentation grimper et leurs prix de l’immobilier s’envoler.

Le revers de la médaille est que la commune doit cotiser cher pour avoir droit de porter le titre et surtout faire régulièrement d’importants travaux, sans compter des règles drastiques à imposer aux habitants (pas de camping par ex). Car les sourcilleux inspecteurs des plus beaux villages veillent au grain. Certains villages perdent leur panonceau et beaucoup ne sont pas admis dans ce club. Pour eux c’est l’amertume et l’incompréhension. Certains n’hésitent pas alors à lancer un nouveau label pour compenser le manque à gagner. Ils augmentent ainsi la confusion dans cette mare aux crocodiles que sont les labels en France.

 

Autre surprise et paradoxe de cette émission, l’attrait de beaucoup de touristes français pour un pays musulman, la pétromonarchie d’Oman.  Ce pays est coincé entre le Yémen, en guerre civile et fief d’Al Qaïda, l’Arabie Saoudite, terre d’origine du salafisme, les riches émirats du Golfe et l’Iran. C’est de surcroit un des pays les plus arides de la planète. Pourtant, faute de Sahara aujourd’hui visitable,pour les français aisés en mal de dépaysement il est un devenu un must de s’offrir des vacances en Oman. Les paysages, la mer et les plages y sont sublimes, les dunes de sable étonnantes et les randos dans les montagnes époustouflantes. A tel point que le gouvernement omanais veut doubler les capacités d’accueil et multiplier les constructions d’hôtels.

Mais là aussi il y a un revers à la médaille. Ainsi la plupart des investissements projetés dans cette sorte d’oasis paradisiaque se feront dans la région du Dhofar… la plus proche du Yémen. Dans les "conseils aux voyageurs" du site du ministère français des affaires étrangères on peut lire texto : "Le risque d’infiltrations au Dhofar de groupes armés à partir du Yémen doit être pris en compte (…)  Les Occidentaux, y compris les Français, doivent toutefois être particulièrement prudents car ils sont une cible désignée des groupes terroristes." Par ailleurs les hôtels déjà installés dans la zone pompent sans vergogne l’eau douce dans la nappe phréatique mettant à mal certains agriculteurs qui se répartissaient scrupuleusement depuis des siècles ce bien précieux qu’ils voient disparaître. Bref ce paradis ne serait pas forcément aussi cool qu’il y paraît.